Les femmes et l’informatique – partie 3

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L’analyse

Non que je veuille faire la promotion des articles précédents, mais vous ne saisirez ni les liens, ni les subtilités de l’analyse si vous ne les avez pas lus. Vous les trouverez dans les Archives du CHIP, en date des 22 et 26 octobre.

Des faits, des faits et des faits nous passons enfin à la substantifique moelle : L’ANALYSE. Du moins, faisons preuve d’humilité et de prudence, tentons quelques hypothèses explicatives.

Ne nous sommes-nous pas abreuvés à plus d’une source? Et pourtant, nous restons assoiffés. Pourquoi? Parce qu’elles ne cessent de sourdre de tous côtés et qu’elles ne creusent pas leur lit dans la même rivière. Je nous avais mis en garde et souhaité la nuance. Nous connaissons tous et toutes des exceptions qui viennent contredire les faits. Ainsi, La Presse en date du 8 novembre 2012, sous le clavier de Nathalie Côté, Le génie au féminin : Lentement mais sûrement, nous informait que les femmes prennent leur place dans le génie biomédical et chimique, mais pas dans le génie aérospatial, ni mécanique, ni électrique. Ce qui recoupe les informations puisées chez Susan Pinker (voir la référence complète dans la première partie de cet article, le 22 octobre) qui nous affirme que les femmes qui ont des dispositions en science (elles sont nombreuses et de plus en plus, d’ailleurs) optent pour l’écologie, la psychologie, la biologie, la pharmacie, la dentisterie et évidemment la médecine pour notre plus grand malheur diront certains et pour notre plus grand bonheur, j’ose affirmer.

L’analyse que je vous soumets ne relève que de mes élucubrations personnelles, donc subjectives, et ne prétend en rien à l’objectivité. C’est moi qui pense et jongle avec l’ensemble de mon histoire, de mes lectures, de mes réflexions, de mes engagements, de mes valeurs, de mes constats, de mes essais, de mes erreurs et de mes réussites. Une seule constante dans mes écrits : j’essaie de ne pas dire n’importe quoi… Une analyse, donc, qui rallie rationalité et affect et qui a trouvé écho chez Susan Pinker qui témoigne d’une honnêteté intellectuelle rafraîchissante et tranchante.

Les femmes ont l’intelligence formelle, la compétence, la capacité et l’occasion d’envahir tous les programmes de science (de l’informatique au génie nucléaire, de la physique quantique à la mathématique pure), d’occuper les postes les plus recherchés, enviés, bien rémunérés, mais n’ont pas nécessairement le « goût » de le faire. Leurs intérêts sont variés et leurs objectifs sont intrinsèques. Elles recherchent ce qui crée sens, privilégient le service aux autres, le contact et l’entraide, l’expérience enrichissante pour elles. Changer le monde, être solidaires d’une communauté et plancher sur les questions humaines et holistiques les motiveront davantage. Elles limiteront volontiers les heures de travail, car elles osent prétendre « à avoir une vie »! Ai-je besoin encore de le radoter, les femmes médecins toujours en congé de maternité, cherchant à multiplier les heures auprès de leur progéniture, délaissant d’autant les heures-cliniques sont dénoncées haut et fort, alors qu’elles sont susceptibles d’offrir, par ailleurs, un meilleur service. Adieu les promotions prestigieuses, les emplois lucratifs, les réussites sociales. Autant d’objectifs extrinsèques qui ne leur siéent pas. Soixante pour cent d’entre elles refuseront ou quitteront un poste en contradiction avec leurs principes.

Elles privilégieront un emploi socialement engagé, et qui leur laisse plein contrôle sur leur vie. Conséquemment, elles seront moins riches $$$ et beaucoup plus riches . Leur travail ne devient alors qu’un élément d’un ensemble et ne contribue qu’en partie à leur sentiment de bonheur. « 20 % des femmes contre 55 % des hommes ne se consacrent qu’à leur carrière, leur promotion, leur rémunération. » Aux É.-U., au Japon, en Corée, en Suisse, en Suède, au Canada, en Grande-Bretagne, les femmes sont, dans l’ensemble, plus satisfaites de leur vie professionnelle que les hommes, si elle ne les empêche pas de s’épanouir dans d’autres sphères de leur vie. Lorsque les valeurs et le cadre d’intervention du travail sont définis par les hommes (pour qui le travail a une valeur intrinsèque, est isolé du reste de leur vie, et prend, trop souvent, toute la place dans leur vie), le taux de satisfaction des femmes eu égard à leur travail baisse et l’état dépressif les guette.

Les femmes s’engagent plus aisément dans l’aspect moral et humain de leur vie professionnelle à salaire moindre (à preuve, « maman travaille pas, a trop d’ouvrage ») et à pouvoir de décision moindre. Elles désirent changer le monde, servir une cause plus grande que leur petite personne et préfèrent travailler avec le côté mouvant et imprévisible de l’humain plutôt qu’avec des objets inanimés et des processus physiques.

Quand elles en ont la possibilité, les femmes ne font pas les mêmes choix que les hommes parce qu’elles ne veulent pas les mêmes choses, ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Dans un esprit démocratique, une politique qui garantit l’égalité des chances ne garantit pas les résultats. Et ceux-ci peuvent être surprenants quand il n’y a pas de pression indue. Plus les possibilités sont nombreuses et diversifiées, plus on constate les différences de choix. La discrimination positive et tout le tralala promotionnel cherchent à attirer de gré et de force les femmes dans des domaines, dans des emplois auxquels elles n’aspirent peut être pas…

Les emplois solitaires, au grand air (avec ce que cela comporte de conditions extrêmes), les emplois à risque aux conditions dangereuses mettant parfois la vie en jeu, les emplois salissants sont occupés majoritairement par des hommes. Pourquoi?

Qui fait sauter le poupon dans les airs, et qui hurle à ses côtés : « Attention, tu vas l’échapper? »

Des femmes ambitieuses, performantes, très instruites se sont retirées et se retirent régulièrement d’un système qui ne leur convient pas, font le point et n’y reviennent pas.

« Je ne veux être célèbre. »

« Je ne veux pas conquérir le monde. »

« Je ne veux pas de cette vie-là. »

Un exemple, tout près de nous. Mélanie Aitken, 46 ans, commissaire à la concurrence, a mené et réussi de « gros dossiers de poursuite » durant les trois premières années de son mandat. Les agents immobiliers. Visa et MasterCard. Bell. Air Canada et United Airlines. Elle vient de se retirer avant la fin de son mandat. Elle veut rejoindre son fils de six ans à Toronto, et quitte, nous dit-elle, « avec le sentiment extrêmement satisfaisant d’avoir aidé et protégé les gens dans leur vie de tous les jours », La Presse, le 24 septembre 2012, Vincent Brousseau-Pouliot, La justicière sans peur tire sa révérence.

Simone (de Beauvoir) affirmerait-elle encore aujourd’hui : « On ne naît pas femme, on le devient? » J’ose suggérer qu’elle aurait intérêt à nuancer son affirmation.

Suite et fin, très bientôt.

Une réflexion sur « Les femmes et l’informatique – partie 3 »

  1. Etant moi-même mère de deux filles travaillant dans des domaines non traditionnels pour des femmes: une étant biochimiste et l’autre technicienne en électronique industrielle et électricité, je constate que dans le domaine des sciences beaucoup de changements ont été effectués pour permettre à des femmes-mères un aménagement facilitant la conciliation travail-famille. Par contre plus elles acceptent des postes importants plus cette conciliation est difficile sinon impossible. Dans le monde de la construction, c’est l’ incompatibilité presque complète avec les valeurs féminines et certains aménagements concernant la famille. D’où le manque d’intérêt des femmes pour certains domaines qui sont encore plutôt fermés aux besoins de celles-ci.

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