Les femmes et l’informatique – partie 4

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L’analyse – suite et fin

Alors, Simone, que veulent-elles donc ces « bonnes femmes »? Trop souvent on infantilise les femmes en prétendant qu’elles ne savent pas ce qu’elles veulent. Derrière ce jugement se cachent les assertions impératives qu’elles devraient vouloir ce que veulent et ont les hommes. Que le modèle masculin devrait être celui à partir duquel doivent s’aligner ses ambitions, ses rêves et ses désirs.

Les femmes sont des êtres autonomes qui savent ce qu’elles désirent si on n’entrave pas leurs choix et leur parcours par les diktats de la rectitude politique. Plus que la supposée indécision des femmes, c’est la conception sociale étroite de l’égalité qui doit être revisitée. Une femme peut travailler dans les « métiers et professions traditionnellement masculins » sans subir un changement de sexe (symbolique, on s’entend). Elles ne sont pas et ne seront jamais des hommes, heureusement pour elles (pour eux aussi, d’ailleurs). Il y a deux façons d’être-au-monde et c’est à la survalorisation du « monde », des intérêts, des façons d’être des hommes qu’il faut s’attaquer. C’est du machisme social que de considérer ce modèle comme LE modèle. Les hommes et les femmes ne jouent pas les mêmes règles ni les mêmes jeux, ne poursuivent pas les mêmes buts.

D’un point de vue hormonal, des déterminants biochimiques ont été libérés chez le mâle durant des millénaires en situation de stress signalant la présence d’adversaires dans l’entourage. Nul besoin pour notre compagnon, aujourd’hui, de se sentir d’attaque face au mammouth agressif; mais peut-être devant l’amant de sa femme ou face au concurrent en affaires. Il cultive alors avec art et plaisir la compétition (quoique j’aie un doute quant au plaisir dans la première situation).

Les hommes contiennent moins bien leurs impulsions compétitives et agressives. Il y a plus d’hommes que de femmes en prisons (mais on n’a pas dit notre dernier mot). Ils se suicident dix fois plus que les femmes et je ne parle pas ici de neuf suicides ratés; ils tuent ou sont tués (une seule fois) au travail quatre fois plus que les femmes. 93 % des tueries relèvent de leur sexe. 90 % des accidents de travail mortels les impliquent. La testostérone produite in utero masculinise déjà l’homme et l’être social qu’il deviendra en ajoutant la contribution de l’éducation familiale et sociale. Ce qui nous permet de comprendre enfin l’expression : « penser avec ses couilles ».

Dans cette même optique, les femmes envisagent le long terme, sont plus raisonnables, ne risquent pas tout sur le même cheval et sont beaucoup moins attirées que leur homme par la compétition. Elles réussiront mieux sans rivalité. Pouvons-nous émettre l’hypothèse qu’elles n’ont pas besoin de rivalité?

Le taux et le type d’hormones qui circulent dans notre sang jouent un rôle dans nos aptitudes et nos attitudes. Que ce soit la capacité à résoudre les tâches spatiales, à lire les émotions des autres (l’empathie est cette capacité dite féminine, au même titre que l’intuition, à discerner les pensées et les sentiments d’autrui et à y répondre par les gestes appropriés), à faire confiance aux gens à… choisir son programme d’études et son emploi! Si on consent à reconnaître facilement le rôle hormonal dans plus d’une de nos manifestations sexuées, pourquoi celles-ci nous feraient-elles grimper aux rideaux? Pourquoi tant de femmes en sciences infirmières et en enseignement préscolaire et élémentaire? Il est difficile d’acquiescer l’assise biologique de ces choix, car trop souvent elle a été l’explication simpliste et réductionniste justifiant les pires iniquités. Les préjugés négatifs, les conclusions hâtives et erronées que l’on en tire : « la biologie, c’est le destin », « elle doit avoir ses règles », « ce sont les free games de la ménopause ». Oui, pis après? Les ados et les hommes jouent aussi aux montagnes russes et on n’en fait pas une analyse sociologique déterminante.

Autant de facteurs externes – très souvent décriés – que de facteurs internes – trop souvent obnubilés par certaines et soulignés en gras par certains – qui doivent être resitués et réévalués à leur juste nature et surtout à leur juste implication dans le choix social. Un échafaudage biologique incontournable devant un édifice social complexe construit de toutes pièces à travers les aléas de l’histoire de l’humanité, donc pouvant être changés à « bonne volonté ». Les connaissances explosives livrées par la science concernant le rôle génétique et hormonal de notre place-au-monde ne doivent d’aucune façon nous mener à la conclusion que les femmes devraient faire certains choix plutôt que d’autres. Elles nous informent tout au plus pourquoi elles font des choix différents de ceux des hommes.

Quarante ans d’efforts pour établir un « équilibre » dans certains emplois dits masculins; l’écart reste considérable. À décrier? Pas nécessairement. Cela pourrait servir à une reconnaissance positive et enrichissante des différences et de la liberté de choix, voire même à une réévaluation de la surenchère du modèle unique uniformisant d’autant les sexes.

Aucune donnée biologique ne justifie le fait qu’une femme doit rester à la maison.

Aucune donnée biologique ne justifie les écarts salariaux et de prestige liés à certains emplois. Les banquiers, gardiens de notre argent, sont rémunérés dans un registre incomparable à celui des gardiennes de nos enfants.

Aucune donnée biologique ne justifiera jamais que l’écoute attentive, que la communication créatrice, que l’intuition et l’empathie devraient être moins valorisées que le « don » des maths, de la physique ou de la science informatique.

Aucune donnée biologique ne justifie que les enseignantes et les infirmières soient moins rémunérées que les informaticiennes et les ingénieures.

Simone, et bien d’autres, ont présumé que les hommes et les femmes pouvaient et devaient être identiques (du moins par et dans leurs choix). La conséquence toxique, voire destructrice, a été la dévalorisation de la spécificité des femmes et la pression pour qu’elles adoptent un modèle, LE modèle.

On infantilise les femmes qui ne savent pas ce qu’elles veulent, ai-je dénoncé au début de cet article. Et encore plus lorsque l’on prétend que, si elles n’étaient pas contraintes par le modèle social, elles préfèreraient l’informatique à la littérature et qu’elles auraient grand intérêt à travailler 14 heures par jour (mère ou pas) et à aimer plus le « cash » que leurs enfants, leur amoureux ou leurs amies. Elles y laisseront leur santé, leur longévité, leur empathie, leur ouverture à autrui, mais elles auront « réussi »!

Non, ne craignez rien, je ne vous laisserai pas ainsi l’écume à la bouche sans vous rappeler, encore une fois, la nuance nécessaire à mes élucubrations toutes subjectives, inspirées par une femme courageuse, Susan Pinker. Rien, absolument rien de dogmatique dans mes propos, ni dans les siens, d’ailleurs. Qu’une lunette d’approche que l’on a voulu occulter trop longtemps. Ce que l’on niait rigoureusement (et j’en étais) dans les années 70 relevait de l’idéologie. Simone avait raison. Puis des constats empiriques (les faits, les faits, les faits) de toute sorte ont témoigné du mal-être que nous ne pouvions plus nier, sans malhonnêteté intellectuelle. Pouvons-nous relever le défi de mener de front, individuellement et socialement, la reconnaissance des différences intrinsèques issues d’une assise biologique sans en faire un déterminisme sclérosant? Et la reconnaissance de l’influence sociale et éducationnelle des modèles sociaux sans les figer dans le béton?

Il y a et il y aura toujours plus d’hommes qui jouiront à construire des systèmes. Il y a et il y aura toujours plus de femmes qui manifesteront une profonde empathie et un souci de l’autre. Il y a des hommes à testostérone élevée qui manifestent une profonde empathie et un souci de l’autre. Il y a des femmes à l’ocytocine élevée qui jouissent à construire des systèmes. On s’entend là-dessus?

Une réflexion sur « Les femmes et l’informatique – partie 4 »

  1. La lecture de votre article me ramène au livre de N. Huston que je viens de terminer : REFLETS DANS UN OEIL D’HOMME. L’auteure démontre la différence biologique entre les sexes (niée par la société française moderne) et met en lumière la place prise par l’industrie de la beauté et la pornographie dans la représentation de la femme (en excluant la maternité).

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