La technologie dans les sports – deuxième partie : la Formule 1

Daniel Vinet
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Dans ce second volet concernant la technologie dans les sports, nous parlerons du sport faisant le plus usage de la technologie, la Formule 1.

La nouvelle saison 2024 vient tout juste de s’amorcer le 29 février dernier à Bahreïn dans le golfe Persique. Celle-ci fera le tour du monde en 24 courses, visitant 21 pays, dont le Canada en juin, et se terminera le 8 décembre 2024. Pour connaître l’horaire des courses, je vous invite à visiter cette page officielle de la Formule 1.

De tous les types de course automobile qui existe sur la planète, la Formule 1, abrégée en F1, est le pinacle de ce sport. La technologie y est présente partout et en tout temps. Je vous propose un survol de certaines technologies présentes dans ce sport.

Tout d’abord un petit historique

Le premier championnat de F1 a eu lieu en 1950. Régie par la Fédération Internationale de l’automobile (FIA), située à Paris, cette discipline sportive s’est hissée au 3e rang des sports les plus médiatisés au monde après les Olympiques et le Championnat du monde de football ou soccer, comme nous l’appelons ici.

Après des débuts houleux avec les va-et-vient des écuries, c’est le nom donné aux équipes de course, la F1 se développe progressivement, passant de l’époque des constructeurs automobiles à l’ère des garagistes dans les années 60-80, pour revenir aux constructeurs. Aujourd’hui, la F1 est une histoire de gros sous avec des fabricants automobiles de réputation mondiale, de grandes entreprises ou des conglomérats à la tête des écuries, chacune disposant d’un budget maximal de 146 millions d’euros. L’époque des bidouilleurs est bien loin derrière. Toutefois, une seule et unique écurie est présente depuis le tout début. Il s’agit de Ferrari.

Particularité du championnat

Le Championnat du monde est, en fait, composé de deux championnats, soit celui des pilotes et celui des constructeurs, car oui, chaque année les écuries doivent construire et présenter une toute nouvelle voiture à la fine pointe de la technologie actuelle tout en répondant aux nouvelles normes édictées par la FIA, ce qui nous amène à la voiture de Formule 1.

Qu’est-ce qu’une Formule 1 ?

La voiture de Formule 1 est un petit miracle d’ingénierie et de technologique. Elle est souvent comparée à un programme spatial, mais pour la course automobile. Chaque pièce qui la compose a été pensée, dessinée et testée en soufflerie afin d’en optimiser son poids, son aérodynamisme et son impact sur l’ensemble de la voiture en situation de course.

Le poids maximal d’une F1 ne doit pas dépasser les 746 kg, pilote inclus. Nous reviendrons sur ce dernier aspect. Pour vous donner une idée, le poids moyen de nos voitures de série est d’environ 1 500 kg, soit le double, votre poids exclu.

Vous devinez sûrement que pour atteindre ce poids, les ingénieurs doivent développer les pièces les plus légères possibles. À ce titre, les alliages métalliques et la fibre de carbone, légère et résistante, sont hautement privilégiés. Un seul défaut, lorsqu’elle se brise, la fibre de carbone vire en éclats tranchant comme du verre qui se fracasse pouvant endommager les pneus des autres voitures sur la piste.

Formule 1 RB19 Red Bull Racing (Image: Red Bull)

L’ensemble aérodynamique est l’élément essentiel de la voiture. Celui-ci permet à la voiture de presque tripler son poids à pleine vitesse, soit plus de 1 800 kg. Nous appelons ce phénomène, l’appui aérodynamique ou la déportance. Cet effet recherché est exactement l’inverse d’un avion.

L’aérodynamisme d’un avion permet de décoller, alors qu’en F1 il est fait pour plaquer la voiture au sol

C’est cette fameuse déportance qui permet au pilote de négocier une courbe à 120 km/h. N’y pensez même pas avec votre voiture personnelle.

La conception d’une F1 est entièrement effectuée à l’aide de logiciels de conception assistée par ordinateur (DAO). D’autres logiciels spécialisés permettent de mesurer virtuellement les impacts de chaque pièce avant même qu’elle soit produite.

Une fois produite, la pièce est testée en soufflerie pour en mesurer l’impact réel.

Soufflerie de l’écurie Red Bull (image : Red Bull)
Voiture en soufflerie
Impact de l’écoulement de l’air sur la Formule 1

Contrairement à ce que plusieurs peuvent penser, la F1 n’est pas faite pour être la voiture la plus rapide, mais plutôt la plus performante. Laissez-moi vous expliquer.

Bien souvent, les gens pensent en termes de vitesse maximale. Or, la F1 est conçue pour offrir des accélérations vertigineuses, des freinages amenant la voiture de 360 km/h à 0 km/h en moins de 4 secondes sur de très courtes distances grâce aux freins à disque de carbone et de négocier les courbes à plus de 120 km/h.

Frein de F1 en alliage de carbone (image : Formula 1)

Il faut savoir que les changements de réglementations effectués par la FIA en F1 ont pour but de limiter la voiture, car le problème n’est pas ce que nous pouvons réaliser technologiquement, mais plutôt ce qu’un pilote peut endurer au volant de cette voiture. Bref, la limite n’est pas technologique, mais humaine.

La motorisation d’une F1

Aujourd’hui, les voitures F1 sont dotées d’un moteur hybride, soit une partie thermique V6, le fameux moteur à combustion que nous utilisons dans nos voitures. Toutefois, à la différence de nos moteurs de série, le moteur F1 délivre jusqu’à 850 chevaux.

Il y a également deux moteurs électriques; l’un couplé au moteur thermique et l’autre au vilebrequin servant à convertir le mouvement linéaire des pistons en mouvement circulaire pour actionner les roues, l’ensemble thermique-électrique permet de développer jusqu’à 1 000 chevaux et atteindre des vitesses de 360 km/h. C’est énorme pour une voiture de ce poids, je vous le rappelle, 746 kg.

Votre humble auteur étant amateur de F1 depuis le milieu des années 90, j’avoue regretter les bons vieux moteurs atmosphériques V8 ou V10 à 20 000 tours par minute (tr/min). Le bruit était tout simplement assourdissant, la puissance démentielle. Pour revivre un peu ce « trip » je vous invite à visionner ce court vidéo du constructeur automobile Renault, nostalgie de cette période qui, pour moi, a été la meilleure de la formule 1.

Mettez le son à fond la caisse pour en vivre toute la puissance, voyez les pièces d’échappement approchant le point de fusion et les injecteurs en jet continu d’essence. Pas étonnant quand on sait que ces voitures consommaient 60 Litres au 100 kilomètres ! Désolé, je m’emballe, mais une course de F1 à cette époque était toute une expérience !

Avec une telle consommation d’essence, il n’était pas étonnant d’avoir des arrêts de ravitaillement. Toutefois, avec la venue des moteurs hybrides en 2009 et une limitation de la partie thermique à 12 000 tr/min, il n’y a plus de ravitaillement d’essence, les voitures devant parcourir les 305 km d’une course avec un seul plein d’essence jumelé aux moteurs électriques. Ceci a eu pour impact d’augmenter le poids autorisé des voitures aux 746 kg actuels, chacune devant transporter un maximum de 105 kg de carburant, soit 142 litres d’essence. Les arrêts actuels concernent uniquement les changements de pneus.

Petite anecdote concernant les moteurs atmosphériques. La vitesse de rotation maximale a été testée à environ 22 0000 tr/min. Au-delà de cette vitesse, il appert que l’essence ne réagit pas assez rapidement, rendant le moteur instable. Autrement dit, l’explosion de l’essence n’est pas assez rapide pour la vitesse de rotation. Fascinant !

Autre petite anecdote, dans les années 2002-2003, l’écurie BMW, alors en F1, avait introduit la télémétrie bidirectionnelle. C’est-à-dire qu’un ingénieur pouvait modifier des paramètres de la voiture à partir de son portable dans les puits. Ainsi, BMW avait été surpris à augmenter le régime moteur de 19 000 à 20 0000 tr/min dans les lignes droites lors de la course. Imaginez le pilote qui voit sa voiture gagner en puissance, puis revenir à la normale afin qu’il négocie les courbes. Inutile de vous dire que la FIA a rapidement interdit cette technologie.

Le volant en F1

Si vous croyez que conduire une F1 est une balade du dimanche, détrompez-vous. Le pilote est en lien constant avec le directeur, les stratégistes et les ingénieurs tout au long de la course. Ces derniers donnent des directives d’ajustement au pilote qui doit les appliquer à sa voiture à l’aide des boutons disponibles sur son volant. Pour vous donner une idée de la complexité de la chose, voici le volant Ferrari de la F1 de 2018.

Volant Ferrari de la F1 2018
Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Imaginez que le pilote doive effectuer des modifications sur sa voiture tout en étant en course à plus de 300 km/h. Difficile de rester concentré.

Justement concernant les communications

La plupart des écuries ont leur usine en Angleterre, haut lieu de la F1. Bien sûr, la Scuderia Ferrari est localisée à Maranello en Italie.

Lors d’une course de F1, les ingénieurs sont présents à l’usine et en lien constant avec le personnel technique et le directeur en bordure de piste.

Équipe d’ingénieurs en bordure de piste lors d’une course (Image : Renault)

Pour que vous saisissiez bien ce qui se passe, voici un petit fait vécu en 2002. Le pilote finlandais Kimi Räikkönen est en pleine course au volant de sa McLaren à Kuala Lumpur en Malaisie. Il se plaint d’un problème concernant le moteur via communication radio aux ingénieurs en bordure de piste. Ces derniers communiquent directement avec les ingénieurs en usine qui reçoivent également les données en temps réel.

La directive est donnée de l’usine aux ingénieurs de piste d’augmenter le mélange huile et air, information qui est immédiatement communiquée à Kimi qui effectue les changements via les commandes sur son volant tout en conduisant à 300 km/h. Le tout s’est passé en une quinzaine de secondes ! Quand on parle technologie…

Communications Usine – Ingénieurs – Pilote

Le pilote de F1

Un pilote de F1 est super entraîné. Il est plus en forme qu’un joueur de hockey, même si cela peut sembler difficile à croire. Il doit encaisser des forces de gravité (force g) allant jusqu’à 5 g lors d’une course, soit l’équivalent de 5 fois son poids.

Pour vous faire un parallèle, les pilotes de chasseurs de l’armée peuvent atteindre jusqu’à 11 g en situation de combat. La différence ici est que le pilote de F1 doit les subir pendant 75 à 90 minutes, soit le temps moyen d’un Grand Prix. C’est la principale raison qu’une course de F1 est limitée en temps à 120 minutes, soit 2 heures au maximum.

Des programmes d’entraînement spécifiques ont été développés afin d’entraîner les muscles du cou, car, pensez-y, à 5 g la tête fait 5 fois son poids et le pilote doit se battre contre cette force pour garder sa voiture en piste. Pas facile.

Par ailleurs, l’aspect aérodynamique que nous avons vu ci-haut fait en sorte qu’à pleine vitesse, le vent s’engouffre de manière à soulever la tête, comme pour lui arracher. Disons qu’il faut avoir le cou solide pour garder sa tête sur les épaules et Dieu sait que piloter une F1 ça n’a rien de confortable, tout au contraire.

Position du pilote au volant d’une F1

L’aspect cardiovasculaire est également important. Une course de F1 est comme un marathon pour le pilote. La force physique requise pour le pilotage jumelé à une température qui peut atteindre les 50 degrés Celsius dans le cockpit fait qu’un pilote peut perdre jusqu’à 4 kg lors d’une course.

Par ailleurs, le poids minimum d’un pilote avec son équipement a été fixé par règlement à 80 kg, soit environ 176 livres. Si le pilote pèse moins, sa voiture est lestée en conséquence avant la course. Fait à noter, les pilotes sont pesés avant la course afin de s’assurer du respect de la réglementation, puis immédiatement après la course afin de tenir compte de la perte de poids.

La récolte des données d’une F1

Lorsqu’une F1 est en piste, celle-ci recueille une quantité phénoménale de données télémétriques. La voiture est dotée de 300 capteurs. Oui, oui, vous avez bien lu, 300 capteurs qui émettent des données concernant la température, la pression, la vitesse, les pneus, les accélérations et décélérations ainsi que les forces de torsion, etc.

Ce nombre concerne uniquement la course. En période d’essai, le nombre de capteurs peut doubler, soit 600 capteurs. Ces derniers génèrent des milliers de données à chaque milliseconde.

Lors d’une course, une voiture génère environ 30 mégaoctets de données par tour. Toutefois, ce ne sont pas toutes les données qui sont transmises en temps réel. Lorsque la voiture est de retour au puits, trois fois plus de données sont téléchargées de la voiture directement aux bases de données pour un total d’environ un téraoctet de données par course, rien de moins! Et chaque écurie a deux voitures en piste.

Ces données permettent de générer des graphiques que les ingénieurs analysent en présence du pilote.

Exemple de graphiques issus des données télémétriques d’une F1 (image Ferrari)

Ce n’est pas étonnant qu’Amazon Web Services (AWS) se soit associée à la F1. Ses serveurs et logiciels sont utilisés pour enregistrer et analyser toutes ces données. Ceci permet de mieux comprendre le comportement de la voiture en piste, mais également la conduite sportive du pilote.

Bien entendu, chaque écurie embauche des spécialistes, scientifiques et ingénieurs de pointe afin de tirer avantage de ces analyses qui incluent désormais l’intelligence artificielle (IA) dans le but d’une amélioration constante des performances de la voiture et des pilotes. Si vous désirez en connaître davantage sur l’implication de l’IA dans la F1 moderne, je vous invite à lire cet article de Forbes sur le sujet.

Et pour nous, les téléspectateurs

AWS est également impliquée auprès des diffuseurs télé afin d’offrir des infographies et des données en temps réel aux téléspectateurs via sa plateforme F1 Insight et son logiciel Alternative Strategy. Celle-ci offre des analyses par IA permettant des projections en fonction de données en temps réel.

Diffusion d’une course de F1 avec superposition d’Amazon Alternative Strategy

Et encore d’autres technologies….

Il y a tant à dire sur la technologie en F1 : les simulateurs d’entraînement, la technologie des pneus, les technologies de collision qui ont permis de développer un cockpit quasi indestructible, le chronométrage au millième de seconde, les systèmes de détection de départ anticipé, etc. Toutefois, cet article est déjà bien assez long comme ça !

Nous avons parcouru l’essentiel des technologies impliquées dans ce sport, de la conception de la voiture jusqu’au drapeau à damier indiquant la fin de la course. J’espère que ce survol technologique aura piqué votre curiosité afin d’en connaître davantage et vous permettre de regarder la F1 sous un angle nouveau.

Daniel Vinet

14 réflexions sur « La technologie dans les sports – deuxième partie : la Formule 1 »

  1. Merci Daniel.

    Je ne suis pas amateur de F1, mais j’ai trouvé ton article fascinant! Ton article nous fait réaliser que la technologie a vraiment pénétré tous les aspects de notre vie, incluant nos loisirs. Dans un contexte où les connaissances et la technologie sont au cœur de toutes nos activités, il est désolant de voir que nos gouvernements ne consacrent pas plus d’effort à l’amélioration de notre système d’éducation.

    1. Bonjour Michel et merci de ton commentaire, j’apprécie toujours. En ce qui a trait au système d’éducation, je suis d’accord avec toi et j’irais même plus loin en disant qu’il a besoin d’un profond remaniement.

    1. Bonjour M. Vinet et merci beaucoup de cette présentation qui démontre bien l’influence de la technologie pour améliorer cette activité et bien d’autres, comme par exemple l’aviation où l’on peut observer que la limite est la capacité de l’humain de jouer avec la force de gravité terrestre. (5 G c’est considérable et sûrement pas évident à supporter)
      Merci encore

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