La technologie dans les sports – première partie : le football nord-américain

Daniel Vinet
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La technologie s’est taillé une place de choix dans toutes les sphères de notre vie. Le sport professionnel ne fait pas exception. Dans ce premier article, je vous expose la technologie utilisée au football nord-américain, traduction adaptée de l’anglais « gridiron football ». Nous le nommons ainsi afin de le distinguer du ballon-pied que nous nommons ici soccer, mais qui porte le nom de « football » pour le reste de la planète.

Pourquoi ai-je choisi ce sport ? D’abord parce que j’en suis fan. Puis, pour sa grande utilisation de la technologie qui fait partie des critères pour lesquels j’aime ce sport. D’ailleurs, les deux articles vous exposeront les deux sports dont je considère qu’ils utilisent le plus de technologie pour leur fonctionnement.

Tout d’abord, un peu d’histoire

Le football tel que nous le jouons en Amérique du Nord est unique au monde. On en attribue vaguement les origines à des immigrants britanniques venus au Canada. Tout comme le basketball et le hockey, ce sport a été développé chez nous. Nous pouvons retracer les débuts de ce sport vers la moitié du 19e siècle, le premier match officiellement reconnu s’étant déroulé à l’université de Toronto en novembre 1861.

Le football nord-américain découle du rugby, créé en Angleterre au début du 19e siècle. Les créateurs du football nord-américain trouvaient que le rugby manquait de structure et d’organisation. C’est alors qu’ils ont eu l’idée de créer un terrain rectangulaire assortie d’une grille de mesure et d’une disposition ordonnée des joueurs.

Au début, les règles étaient différentes d’une université à l’autre. Un besoin de rassembler tout le monde sous des règles uniques apparaît rapidement. Ainsi, le football canadien et le football dit « nord-américain », joué aux États-Unis, ont chacun adopté des règles qui les distinguent, bien qu’en apparence, le sport semble le même. D’ailleurs, l’une des rencontres historiques a eu lieu en mai 1874 entre l’Université McGill et l’Université de Harvard. Il y eut deux rencontres, l’une avec les règles de McGill, l’autre avec les règles de Harvard.

Comme tout sport, celui-ci a grandement évolué au fil des années. Aujourd’hui, au Canada, nous avons la CFL (Canadian Football League), fondée en 1958, mais qui découle d’une ligue plus ancienne remontant à 1884. Aux États-Unis, nous avons la NFL (National Football League) qui, elle aussi, découle d’une ligue plus ancienne remontant à 1920. C’est à cette dernière que nous nous attarderons.

Quelques notions de base

Contrairement à ce que plusieurs personnes pourraient croire, le football n’est pas un sport violent, mais plutôt de force et de très haute stratégie quasi militaire. Je peux même affirmer sans ambages qu’il s’agit du sport professionnel le plus complexe joué sur cette planète. Cela en fait une cible de choix pour la technologie.

Le football de la NFL se joue à 11 joueurs sur le terrain pour chaque équipe. Elle est formée généralement de 3 unités, soit l’unité d’offensive, l’unité de défensive et l’unité dite spéciale pour des circonstances particulières du jeu. Voici une idée de formation des deux équipes lors d’un affrontement. Ceci n’est qu’un exemple d’une myriade de possibilités de positionnement.

Positions et leur nom au football NFL

L’équipe en offensive doit parcourir dix verges ou plus et doit réussir en un maximum de quatre essais. Une fois ces dix verges parcourues, elle a à nouveau quatre essais pour un autre dix verges ou plus. Elle doit ainsi mener le ballon dans la zone de but adverse. L’équipe en défensive doit stopper la progression et même, si possible, faire reculer l’adversaire.

La pièce maîtresse du jeu pour l’unité d’offensive est le quart-arrière, l’équivalent du roi pour les amateurs d’échecs. Imaginez que chaque mise en jeu est l’équivalent d’une partie d’échecs complète qui se déroule devant vous en quelques secondes.

Vous avez ici la base du jeu. Je vous épargne la complexité des règles d’engagement, car le manuel des règlements de la NFL fait à lui seul plus de 280 pages. Quand je parlais de complexité…

L’appel des jeux

Il faut savoir que chaque jeu exécuté sur le terrain a été ardemment planifié et pratiqué pour parfaire son exécution. Bien que le jeu semble toujours arrêté, dites-vous qu’il n’en est rien. La mise en jeu n’est que le résultat de toute la planification effectuée en amont et qui est tout aussi intéressante que l’action du jeu elle-même.

Ainsi, chaque jeu choisi est indiqué au quart-arrière qui porte un écouteur électronique dans son casque. Il est le seul joueur de la formation offensive à porter cet équipement. Il reçoit des directives codées, soit de l’entraîneur-chef, soit de l’entraîneur à l’offensive. Eux-mêmes reçoivent des informations de coordonnateurs situés dans une salle prévue à cet effet dans le stade de football. Bref, tout ce monde est en communication radio constante.

Petit encart historique, la première apparition d’un écouteur radio remonte à 1956, alors utilisée par les Browns de Cleveland.

Écouteur radio utilisé par le quart-arrière des Browns de Cleveland en 1956 (image: NFL)

Du côté de la défensive, un seul joueur est également équipé d’un écouteur. Il reçoit des directives, soit de l’entraîneur-chef, soit de l’entraîneur à la défensive, tous les deux assistés, eux aussi, par des coordonnateurs localisés dans une autre salle du stade. Le joueur de la défensive communique aux autres joueurs sur le terrain, la stratégie et la formation défensive à déployer pour chaque jeu.

Pendant ce temps pour l’unité d’offensive au repos

Lorsque l’unité défensive d’une équipe est sur le terrain, l’unité offensive qui est sur les lignes de côté, ne chôme pas. Les joueurs bénéficient de tablettes électroniques Surface et de stylets fournis par Microsoft. Ainsi, les joueurs, mais principalement le quart-arrière, révisent les séquences de jeu précédentes afin d’apporter des ajustements aux jeux suivants. Ils ont accès aux séquences vidéo pour chaque jeu exécuté. Ceci nécessite un réseau sans-fil très performant.

Images : Microsoft

Voici une idée de ce à quoi les joueurs ont accès et les ajustements qu’ils planifient effectuer pour les prochaines séquences (image avec les lignes dessinées).

Images : Microsoft

Notez qu’avant l’arrivée de ces tablettes, les joueurs recevaient des impressions papier pour chaque jeu. Ce n’était pas très écologique, mais c’était le mieux que nous avions.

Les révisions de jeu par les arbitres et par la ligue

Bien qu’il y ait sept arbitres ayant chacun un rôle sur le terrain pour chaque match, il n’est pas aisé d’être arbitre dans la NFL. Vous devez vérifier les actions de chaque équipe en plus des 22 joueurs sur le terrain concernant ce qu’ils ont le droit ou non de faire avant, pendant et après chaque séquence de jeu. En plus, chaque équipe a un droit de révision sur certaines séquences de jeu. C’est-à-dire qu’un entraîneur en chef est en droit de demander une révision d’une décision rendue sur la séquence d’un jeu qui vient de se produire.

Heureusement, les arbitres peuvent compter sur l’appui de toute une équipe présente sur le terrain en plus de la technologie pour les assister dans leurs tâches. Lors d’une décision controversée ou d’une demande de révision, les arbitres ont accès aux séquences vidéo issues de la retransmission télé ainsi que de la ligue. Ils peuvent ainsi revoir image par image la séquence de jeu afin de rentre un verdict juste.

Arbitre en chef révisant une séquence de jeu (image: Microsoft)

Par ailleurs, chaque match qui se déroule est sous l’étroite surveillance d’une équipe de techniciens de la ligue nationale au Art McNally GameDay Central (AMGC) dont les bureaux sont situés à New York. La ligue utilise un système de caméras synchronisées nommé Hawk-Eye (œil de faucon) qui permet de multiples angles en haute résolution. Il n’est pas rare de voir l’AMGC intervenir via un appel radio directement auprès des arbitres lors de la partie lorsqu’une situation a échappé à ces derniers.

Concernant l’arbitrage dans la NFL, la page suivante, en anglais, vous aide à comprendre le rôle et les responsabilités de chaque arbitre sur le terrain. Cette autre page Internet, également en anglais, vous explique le processus de sélection et les longues heures de préparation à chaque semaine que les arbitres suivent afin d’être au meilleur à chaque match.

La fameuse SkyCam

Lorsque vous regardez un match à la télé, vous vous demandez probablement comment font-ils pour obtenir une image d’aussi prêt et directement derrière le quart-arrière. Ceci est rendu possible grâce à la fameuse SkyCam ou caméra tyrolienne.

Il s’agit d’une caméra robotisée, munie de stabilisateurs d’image. Elle est en suspension au-dessus du terrain via des câbles en axe X et Y qui couvrent tout le stade. Comme vous l’imaginez, ça fait très long de câbles.

Manipulée par deux opérateurs, cette caméra peut parcourir l’entièreté du terrain par ses axes X et Y, mais aussi monter ou descendre plus prêt de l’action en donnant du leste aux câbles X et Y, permettant ainsi une dimension Z aux déplacements possibles.

La SkyCam au-dessus du terrain de football (Image : NFL)

Celle-ci peut servir également lors des reprises vidéo. Notez que cette caméra spéciale a un poids d’environ 45 livres. Les quatre câbles qui la soutiennent peuvent supporter chacun 600 livres pour un total de 2400 livres de capacité. Pas de danger ici, ça va tenir.

Les lignes virtuelles à la télévision

Lorsque vous écoutez le football à la télévision, les chaînes retransmettant le match utilisent une technologie appelée 1st & Ten (1er et dix), en référence à la distance à parcourir, afin de vous afficher virtuellement à la télé la ligne à franchir. L’intégration de cette ligne jaune virtuelle n’affecte pas le spectacle, les joueurs passant par-dessus cette ligne en temps réel comme si elle faisait partie du terrain. C’est plutôt impressionnant comme technologie.

La technologie 1st & Ten (ligne jaune virtuelle) superposée en temps réel lors d’un match télévisé

Les marqueurs de terrains

Sur le terrain, des marqueurs sont placés à la limite des dix verges à parcourir. Des marqueurs similaires sont également installés à la ligne des buts. Croyez-le ou non, ces marqueurs comportent des caméras sans fil reliés au télédiffuseur et au réseau de la NFL. Ainsi, lors de jeux controversés, ces colonnes en mousse, souple, peuvent être utilisées pour voir si, par exemple, un joueur a bel et bien franchi la ligne avec le ballon.

Marqueur avec caméras intégrées (image : NFL)

Ces petites colonnes sont plutôt solides. Il n’est pas rare que les joueurs entrent en contact, tombent ou roulent sur ses petites colonnes. Qu’à cela ne tienne, elles sont replacées et fonctionnent encore.

Et le futur technologique du sport…

Comme vous vous en doutez sûrement, l’intelligence artificielle (IA) a fait son entrée au football. Celle-ci sert à améliorer les performances des joueurs, mais surtout à assister les entraîneurs dans leur planification stratégique. L’IA est utilisé dans l’analyse de données massives de jeux des autres équipes pour en trouver les séquences fortes, répétitives, mais aussi pour en déterminer les failles et faiblesses. Comme je vous le disais, le football est un sport de très haute stratégie.

Voilà qui termine cette revue de la technologie présente dans le football professionnel. Évidemment, je n’ai ni abordé la technologie médicale, ni la technologie d’entraînement, ni de la préparation stratégique pour chaque match. Il y aurait tant à dire, encore, mais je crois que déjà, vous aurez un tout autre coup d’œil sur ce fascinant sport.

Dans le prochain article, nous aborderons le sport faisant le plus usage de technologies, j’ai nommé… la Formule 1.

Daniel Vinet

9 réflexions sur « La technologie dans les sports – première partie : le football nord-américain »

  1. Bravo Daniel!
    Effectivement, on dirait que tu en as dit beaucoup sur l’apport de numérique dans ce sport. Mais comme mentionné en conclusion, ce n’est que la pointe du Iceberg. En 2024, il n’y a pas grand domaine à l’abri des l’évolution technologique. Pas étonnant que les migrants numériques que nous sommes investissent autant d’énergie cognitive pour réduire la fracture avec les générations plus jeunes.
    Allons! Au jeu!

    1. Bonjour Pierre et merci pour ton commentaire, j’apprécie beaucoup! Eeeeeet c’est un TOUCHÉ!

  2. Bravo pour cet article! Étant moi-même un fan, j’ai beaucoup apprécié. C’est effectivement très intéressant. Il est vrai que la NFL utilise grandement la technologie. Saviez vous que les nouveaux casques utilisés par les joueurs ont été développé au Québec? voyez cet article :
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1833880/nfl-equipe-quebecoise-casque-helmet-challenge

    De plus, saviez vous que l’équipement de communication utilisé pendant les match sont principalement développé par une compagnie nommé Clear-Com. La programmation de ces équipements est principalement réalisé par des programmeurs québécois ici à St-Bruno. C’est sans parler qu’une autre compagnie québécoise a assuré l’éclairage et tous les effets lumineux lors du spectacle de la mi-temps du SuperBowl XLVI mettant en vedette Madonna?
    Ça fait beaucoup de technologie québécoise!

    1. Bonjour Réjean et merci de tous ces apports, je ne savais pas et ça fait un petit velours de savoir que nous sommes impliqués dans la NFL! Merci encore!

  3. Très bon article et surtout qui nous en apprend davantage sur ce sport et la technologie employée!

  4. Dans un environnement de bousculade et d’empilement, il me reste une question que je me suis tout le temps demandé ?

    Comment se prend la décision de l’endroit PRÉCIS de déposer le ballon pour le prochain jeu et pour la mesure PRÉCISE de la distance gagnée ou perdue ? De l’équipement dans le ballon ?

    1. Bonjour Robert et Merci pour tes excellents commentaires, comme toujours.

      Pour ce qui est de la position du ballon, c’est en fonction de la situation et, je dois l’avouer, parfois un peu complexe.:
      1. Une passe attrapée: La progression de la passe est donnée au lieu de réception même si le joueur est reculé par bloqueurs par la suite. Par contre, s’il court avec le ballon et qu’il est plaqué, c’est cette dernière position qui compte, même si le joueur a perdu du terrain.
      2. Une course avec le ballon, c’est l’un des points suivant qui compte – Un genoux d’abord, sinon la position du ballon jugée par l’arbitre, alors que le joueur tombait, mais son genoux ou son coude n’était pas au sol avant la dernière position du ballon.
      3. À la zone des buts, le ballon ne doit qu’être au-dessus de la ligne de but pour compter comme un touché en tenant compte des règles ci-haut.
      4. Si le joueur perd la maîtrise du ballon et que celui-ci roule dans la zone de but et/ou vers l’extérieur du terrain, alors que le joueur ne l’a pas franchit, il s’agit alors d’un « touchback ». L’équipe perds la possession de ballon qui est remise à l’équipe adverse à la ligne de 20.

      La position est déterminé par l’un des arbitres. Celle-ci peut être contesté par le « head coach » qui lance alors un mouchoir rouge sur le terrain. La reprise vidéo revue par l’arbitre en chef déterminera le gain de cause ou non. En cas de perte de la cause, l’équipe perd un temps d’arrêt. À moins de 2 minutes de la fin d’une demi, les reprises sont interdites sauf par New York.

      Voilà, j’espère que ça répond à tes questions

  5. Whoa !!! la radio dans les casques et tout le reste !!! … Je reprends mon souffle !

    La technologie à son meilleur pour tous les acteurs impliqués soit les arbitres, les contrôleurs, les joueurs, les entraineurs et le public. Impressionnant !

    Surtout un super article très bien présenté qui m’a redonné le goût de revoir les règle de ce sport et surtout de regarder ce sport de plus près dont j’avais perdu l’intérêt que j’ai déjà eu dans ma jeunesse.

    Un article de fond qui a beaucoup de valeur ! Félicitation et merci Daniel !

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