Deuxième mouvement : LE TEMPS
Le 13 février, le CHIP publiait le premier mouvement, L’INJONCTION SOCIALE, sur LE BÉNÉ-VOLONTARIAT ET LA RETRAITE. Madeleine Mayer aborde maintenant le cadeau « grec » de la retraite : L’ESPACE/TEMPS.
Ce TEMPS qui, tout à coup, devient moment d’éternité. L’horaire éclate, libérant ses plages infinies jalonnées aux 30 cm du piège du « Pourquoi pas? » et les pieds s’y entremêlent jusqu’à ce que se pointe l’agenda surchargé du retraité (évidemment, je ne spécifierai pas ici « et de la retraitée », car cela alourdirait le texte et il est convenu que le masculin englobe « la » retraitée, quoique je ne sois pas toujours convaincue de son manque de discernement [de la retraitée], j’y reviendrai en fin d’article). Le syndrome de la page blanche se vit ici bien autrement. Autant l’encre se fige lorsqu’il est question de création, autant elle s’épand généreusement lorsque la page blanche est celle de l’agenda. Et tel un boulimique, nous projetons enfin tout et un peu plus de nos rêves enfouis sous les années de labeur salarié et, subrepticement, s’y insinuent les « modes » consommatrices de notre temps.
Le rite initiatique de la retraite débute dans la rencontre de l’ESPACE/TEMPS et tous ne s’en sortent pas indemnes. « Cadeau grec », avais-je annoncé : nous tentons de l’éviter, l’ennui mortel et la dépression nous guettent; nous y consacrons corps et âme, l’essoufflement nous mène au constat terrifiant que, finalement, c’est comme avant : notre vie manque de vie! Assaillis de toutes parts par les « le temps nous est désormais compté » et « il n’y a pas de temps à perdre » alors que nous croyions que nous n’avions que cela au moment du retrait de la vie active (de la vie salariée et horodatée serait plus justement exprimé). Nous avions fait notre temps et il était plus que temps de se donner du bon temps et, pour ce faire, il fallait prendre le temps, car il ne serait plus bientôt temps… Doublement piégé : d’une part, l’injonction; d’autre part, l’entonnoir du temps auquel on ne réussit pas à échapper.
Et si nous prenions le TEMPS pour respirer et laisser venir ce qui nous convient. Et si nous prenions le TEMPS de questionner le sens caché et sournois de l’injonction, bref, de penser par nous-mêmes ce qu’il nous revient d’assumer de notre vie nouvelle de retraité. Il revient qu’à nous seuls, qu’à notre analyse critique, qu’à notre jugement de jauger la teneur de nos activités et de nos engagements; l’inventivité, la créativité, voire la folie ne se manifestent pas toujours d’emblée, car trop longtemps éteintes ou étouffées, mais en aucune façon, elles doivent être sommées d’apparaître. Alors, calmons-nous et sondons le rythme de notre coeur et de nos montres… au-delà du sentiment du devoir et d’obligation sous lequel s’insinue la culpabilité d’avoir pour soi, et que pour soi, enfin, ce vide, promesse de plénitude. Et s’il suffisait tout simplement de rêver jusqu’à l’action les voyages, les défis d’entraînement, les rencontres culturelles, les extases artistiques et, pourquoi pas, le béné-volontariat. Tous les choix ne seraient pas tous bons : seuls ceux qui animent ou réaniment en nous le désir d’« être » sont conviés à venir créer sens à ce qui reste de souffle en nous. Et les bons choix ont la qualité de générer de plus en plus de souffle.
Ce n’est certes pas l’apanage des retraités que cet « engagement volontaire et de bonne volonté ». De plus en plus de jeunes gens s’impliquent socialement et joyeusement. Des jeunes filles accompagnent les aînés dans leurs tâches quotidiennes; de jeunes hommes « jouent » dans les associations sportives avec les enfants; les « cracks » du Web initient les grands-parents. Des travailleurs débordé, de tous âges grappillent des minutes précieuses pour les offrir à d’autres dont la vie s’en trouve allégée. Sans aucune obligation, ni contrainte, sans l’injonction qui leur tombera dessus, un jour lointain, si les retraités d’aujourd’hui n’invectivent pas haut et fort celui qui professe, sans réfléchir, ce cliché.
Quand le béné-volontariat est issu d’une décision volontaire, libre de toute influence pernicieuse et porteur de la plus noble des bonnes volontés, j’en suis et vous en êtes certainement avec moi. Mais qu’est-ce donc que ce béné-volontariat?
À suivre…