Troisième mouvement : LE BÉNÉ-VOLONTARIAT
Le CHIP publiait le 13 février dernier, le 1er mouvement, L’INJONCTION SOCIALE, de l’article sur LE BÉNÉ-VOLONTARIAT ET LA RETRAITE, suivi le 27 février, du 2e mouvement, LE TEMPS. Dans celui-ci, Madeleine Mayer nous décrit ce qu’elle entend par béné-volontariat.
Mais qu’est-ce donc que ce béné-volontariat? J’ai délibérément créé cette nouvelle appellation en réponse à l’injonction du « dû », car je veux insister sur la décision libre et éclairée d’une « bonne volonté » qui s’affirme sans obligation ni contrainte. Lorsque nous parcourons les définitions offertes pour le concept de « bénévolat », nous retrouvons toujours l’intention d’offrir sans attente et sans contrepartie et l’on peut aisément supposer que l’on sous-entend sans rétribution ou rémunération financière ou de quel qu’ordre que ce soit. Un geste donc désintéressé (?) hors de tout champ d’intérêt? Vous vous doutez bien que je m’inscris en faux contre cet altruisme désincarné et pur dont même Mère Térésa (que son Dieu ait son âme) était selon moi dépourvue.
Offrir sans rien attendre en retour de celui à qui j’offre, je veux bien; agir d’une manière non calculée, mais réfléchie, soupesant les effets escomptés afin qu’ils ne créent ni préjudice ni inconfort à qui que ce soit me convient aussi, mais prétendre que le bénévole ne retire, ne doit pas retirer aucun plaisir, aucune satisfaction, aucune gratification de ses heures offertes nous reporte aux bonnes années judéo-chrétiennes où le mérite n’avait d’égal que le sacrifice consenti. Ne croyez pas que nous en soyons très loin de cet ascétisme caractériel, il est travesti sous des formes subtiles qui rendent suspect celui qui prendra un trop grand plaisir à son engagement : l’égoïsme, le narcissisme, la mesquinerie sont nommés, dénoncés et pourchassés. Nous sommes bien loin du populaire : « Y’a pas de mal à se faire du bien » et, pourtant c’est d’abord de là que devrait s’inventer tout geste vers/pour l’autre. D’abord de soi, donc. Il n’y a aucune contradiction ni contrariété d’ailleurs entre l’effet sur l’autre et l’intensité du plaisir de celui qui en est l’instigateur et parfois même, il y a un déséquilibre évident et pas du côté duquel les bons esprits le souhaiteraient. Nous avons cerné le couple ESPACE/TEMPS comme condition de départ pour l’engagement du retraité. Ainsi situés, nous n’avons pas à chercher bien loin la condition « sine qua non » d’un réel engagement qui portera ses fruits en abondance et pour tous.
Traquons la motivation intrinsèque d’abord, puis l’extrinsèque par surcroît si nous en ressentons la nécessité, mais, à mon avis, elle n’est pas essentielle. Ne compter que sur nous pour combler nos attentes, nos besoins, nos désirs nous amène nécessairement à l’identifier.
Notre amour inconsidéré pour le petit de l’homme nous fera rechercher leur compagnie; notre besoin hyperactif de bougeotte nous fera encadrer les équipes sportives; notre propension génétique, si ce n’est névrotique au souci de l’autre, nous amènera à offrir ce qu’il y a de mieux en nous et, conséquemment, à choisir judicieusement celui à qui cela profitera. Certains, plus rares, auront cet élan du cœur qui exprime un profond sens éthique les incitant à s’engager autant dans leur vie familiale, professionnelle, sociale ou « bénévolante », à construire par leurs gestes quotidiens une « humanité dans laquelle il est bon vivre ». Vous voyez le sens (la direction) que j’emprunte ici : je n’identifie pas le besoin de l’autre (la demande), mais j’annonce le meilleur de moi-même (l’offre) et je cherche (ou il me trouve) l’heureux bénéficiaire. Et aucun égoïsme là-dedans. Un pur altruisme qui se présente dans une éthique de réciprocité, du moins dans une première acceptation du concept, j’y reviendrai. L’autre en accueillant comble mon désir d’offrir. Et si, tout comme moi, vous souffrez du syndrome de l’énergie débordante et de la passion qui, souvent, l’accompagne avec bonheur vous savez que nous n’avons pas le choix : la recherche curieuse d’horizons nouveaux s’additionne aux champs d’intérêt facilement identifiés. Et toujours ce leitmotiv : rester vivant, vibrant et « dans la parade »… afin que jamais les petits-enfants nous regardent avec cet air ahuri de découvrir devant eux un « tyrannosaurus rex »! Tout ce que vous venez de lire ne rend pas écho? Alors, restez tranquillement chez vous ou dans vos valises ou dans votre jardin, car il est tout aussi inutile de s’offrir par obligation que par injonction. Même si la demande sociale est évidente, voire urgente et nécessaire à la survie de cette société, abstenez-vous, car le « don de soi » relève du don consenti et non de l’impulsion, car alors vous subirez votre faux engagement autant que celui qui le recevra le subira. Un mal-être partagé est improductif d’une part et de l’autre. Et peut-être que pour la première fois depuis si longtemps, vous êtes dans l’exercice consenti de votre liberté, alors n’en gaspillez pas l’usage. Un jour vous apprendrez quelque chose qui vous fera lever de terre et vous ressentirez le besoin de le partager et vous deviendrez cet excellent professeur que vous avez secrètement toujours désiré être. Ou vous découvrirez une voie qui vous permettra enfin de réanimer et de laisser s’épanouir ce rêve de jeunesse enfoui durant trop longtemps sous les obligations familiales et sociales. Ne forcez rien, vous serez le premier, agréablement surpris et, par la force des choses, comblé. C’est une question d’ouverture et de bonne volonté.
À suivre…