Le moment clé où l’Internet devint public

mmmRobert Lapointe

J’aimerais vous parler du moment clé où l’Internet est sorti du monde de la recherche et de l’éducation, pour passer dans le domaine public et devenir accessible par tous.

Dans cet article, en plus d’anecdotes surprenantes, je résume les points clés de ma participation proactive à la conférence ministérielle du G7 de février 1995 à Bruxelles.

C’était une réunion des représentants mondiaux, gouvernementaux et privés, sur l’Information Highway et la société de l’information du futur. En somme, une conférence mondiale pour l’avancement de l’Internet et de ses applications ! C’était aussi en préparation au sommet du G7 prévu à Halifax en juin 1995.

Cette année-là, l’Internet devient public et s’ouvre aux commerces, aux entreprises et aux individus. C’est aussi l’introduction de l’Internet haute vitesse chez les usagers, le début de la dominance de la technologie TCP/IP dans les réseaux, le déploiement accéléré de la fibre optique, le début de l’explosion de la toile mondiale du réseau World Wide Web et le début de l’explosion des sites Web. En 1993, il y avait dix sites Web en ligne et 30 ans plus tard, en 2023, leur nombre était de 1,88 milliard. Après ma retraite Bell en 1997, j’ai mis en ligne en 1998 mon premier site Web corporatif OYAT.

En 1995, j’avais une expertise technique reconnue en réseau de communications informatiques. Tout particulièrement en réseau de commutation de paquets X25 ainsi qu’en technique de réseau public IP qui émergeait.

Cette année-là, j’obtiens la permission de mon patron à Bell de prendre une semaine de vacances pour me joindre à un entrepreneur en technologie de Hull comme soutien technique à son kiosque de démonstration à la Conférence ministérielle du G7 à Bruxelles en février 1995.

Manneken-Pis

Le thème de cette conférence portait sur l’Information Highway du futur. On voit le drapeau de l’Union européenne dans la photo à droite que j’ai prise en 1995 de la célèbre statue du Manneken-Pis, du petit homme qui pisse !

 

 

Quelle surprise de croiser mon vice-président Bell dans la porte-tournante du Centre Léopold ! Il m’a dit en fronçant les sourcils, qu’est-ce que tu fais ici, Lapointe ? Je réponds un peu moqueur, en vacances, monsieur le vice-président, et vous-même que faites-vous ici ? Et nous nous sommes revus plus tard dans le salon d’exposition.

En plus des rencontres ministérielles des pays du G7, il y a eu une table ronde de leaders du secteur privé de ces pays, notamment pour le Canada, R. Wilson, président de BCE, Jacques Chagnon, président de Vidéotron, Charles Sirois, président de Téléglobe, et John Cleghorn, président de la Banque Royale.

Vous pouvez télécharger le rapport de ce sommet du G7 et y lire les exposés du président de BCE, M. L. R. Wilson, à la page 44, ainsi que de Charles Sirois de Téléglobe Canada, à la page 48.

Les ministres, les fonctionnaires et les gens d’affaires des pays du G7 participaient. J’ai constaté toute l’importance accordée au réseautage futur. Les applications diverses étaient exposées telles que la télémédecine, la vidéoconférence dans le domaine de l’éducation, etc.

Les principaux succès de la conférence ont été dans la promotion de la coopération internationale et dans la sensibilisation du public à la façon dont la société mondiale de l’information peut répondre aux besoins des citoyens.

La table ronde a fourni une occasion unique au secteur privé de participer aux discussions du G7, en pleine reconnaissance du rôle important qu’il doit jouer dans le développement d’une société mondiale de l’information.

Installation du kiosque globeFlash au Centre Léopold, Bruxelles.
Robert Lapointe au centre du trio entre deux entrepreneurs québécois, dont Guy Latreille à droite.
M. Guy Latreille, entrepreneur québécois, recevant la délégation canadienne à la Conférence ministérielle des pays du G7 sur la Société de l’information.
De g. à dr., le ministre de l’Industrie et du commerce du Canada, M. John Manley, le ministre d’État à la Technologie, M. Jon Gerrard, le ministre du Patrimoine, M. Pierre Dupuy, et l’ambassadeur du Canada auprès de la Commission européenne, M. Jacques Roy.
Pendant la Conférence ministérielle des pays du G7 sur la Société de l’information.
De g. à dr., le président de Vidéotron, M. Jean Chagnon, le président de la Banque Royale, M. John Cleghorn, le ministre de l’Industrie et du Commerce du Canada, M. John Manley, le ministre du Patrimoine, M. Pierre Dupuy, et le président de BCE, M. Larry Red Wilson.

Vous pouvez lire le discours livré par Al Gore à cette conférence de février 1995 à Bruxelles.

Lors de la visite du vice-président des États-Unis Al Gore dans l’aire d’exposition, un seul représentant par kiosque de démonstration devait être présent. J’ai dû quitter temporairement le Centre Léopold !

Nous faisions partie de la mission économique du Québec, ce qui incluait une réception mondaine (cocktails) à la résidence de l’ambassadeur du Canada pour l’Union européenne. De nombreux kiosques d’exposants de plusieurs pays, dont le Canada, représentaient des organisations privées de toutes les tailles, mais principalement des grandes entreprises (des équipementiers, des exploitants en télécommunication, des opérateurs de réseaux).

J’ai serré la patte de l’ambassadeur Jacques Roy et de son épouse ainsi qu’une courte conversation surprenante et inattendue avec l’ambassadeur ! Il a manifesté sa plaisante surprise de voir notre groupe « dropper » 2000 stylos promotionnels sur les grandes tables de la salle de séjour du Centre Léopold, chose supposément interdite ! Ces stylos ont très rapidement trouvé preneurs chez les participants. En plus d’être un expert, je devenais représentant publicitaire et diplomate !

Dans le salon de repos et de séjour entre les conférences, il y avait une bonne dizaine de PC reliés en haute vitesse sur l’Internet. Je ne me souviens plus si le navigateur et moteur de recherche d’alors était Netscape Navigator ou Mosaic sur Windows 3.0 ou autre ! Mais, on pouvait naviguer dans un environnement graphique et voir des images en couleur. Je ne peux m’empêcher de mentionner que l’application sur PC la plus examinée était les jolies femmes de l’Europe de l’Est en petite tenue qui cherchaient à rencontrer !!!

En prime, notre trio a fait une belle visite de Bruxelles en compagnie d’un représentant permanent de la Délégation du Québec à Bruxelles. Ainsi qu’une bonne bouffe de moules, de frites et de vin blanc Chez Léon !

Note hors sujet : durant mon séjour, lors d’une courte promenade à pied dans le quartier près de l’hôtel Europa du centre-ville de Bruxelles, j’ai eu presque peur lorsqu’au moins une centaine de musulmans bruyants se dirigeaient à la course vers la mosquée tout près ! J’ai constaté de facto dès 1995, l’importance de la communauté musulmane à Bruxelles.

L’année suivante, en 1996, je deviens un des 50 employés de Bell résidant à Saint-Bruno-de-Montarville qui participent à un projet pilote résidentiel de 6 mois de l’Internet 1.0 haute vitesse Bell de première génération avec modem Nortel à 1 MBPS. Par la suite, pendant plusieurs années, j’ai expérimenté Vidéotron et Bell en même temps comme client résidentiel Internet.

The Compact 1-Meg Modem CPE Connects to Any Existing Telephone Jack

En rétrospective, les applications futuristes qui fonctionnaient déjà en 1995 devinrent très populaires et plus pratiques grâce à la miniaturisation des composants matériels, à la réduction de la taille des appareils, au déploiement de réseaux de fibres optiques à l’échelle de la planète, la disponibilité abordable de la très haute vitesse, la haute définition devenue possible, de l’amélioration des logiciels, de l’introduction de plusieurs normes et protocoles et de l’abaissement des coûts.

En 1995, un appareil spécialisé de vidéoconférence pour salle de réunion coûtait plus de 75 000 $.  Là où je travaillais en 1995, au Séminaire des Communications de Bell à Montréal, il y avait deux appareils de vidéoconférence pour fins de démonstration. Il y avait aussi des installations semblables aux Séminaires des Communications Bell de Toronto et d’Ottawa.

Aujourd’hui en 2024, faire des conférences multimédias (Teams, Zoom, etc.) avec une variété d’appareils est devenu banal et économiquement abordable !

Robert Lapointe


Note de l’éditeur

Cet article devrait normalement être le dernier publié par M. Robert Lapointe.

Je tiens à le remercier pour avoir partagé ses souvenirs en lien avec des périodes importantes de l’évolution de l’informatique au Québec.

R. Gervais

9 réflexions sur « Le moment clé où l’Internet devint public »

  1. Très intéressant cet article. Un photo indique Jean Chagnon comme président de Vidéotron. Il me semble que son nom était André Chagnon.

    1. Merci Monsieur Lacoste de m’indiquer cet erratum !

      Effectivement c’est André Chagnon. J’ai bêtement retranscrit le mauvais prénom placé par erreur il y a longtemps en arrière de la photo.

      D’ailleurs le prénom A. apparait sur la liste des gens d’affaires dans le rapport ministériel de la conférence. Page 7, donnant la liste Participants in the Round-Table Meeting of Business Leaders dont on voit le nom Mr. A. Chagnon.

      Merci d’avoir porté ceci à mon attention et merci aussi pour votre bon mot.

  2. Merci pour ce partage de vécu, très intéressant de se rappeler les débuts de l’Internet. Ça me rappel des souvenirs. Et merci pour tes articles toujours enrichissant au fil du temps

  3. Merci Robert poir ce partage de «vécu»!

    C’est toujours intéressant de connaître les dessous de ces rencontres tellement officielles.

    Bravo.

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