Mais que se passe-t-il avec Apple Intelligence ?

Daniel Vinet
Daniel Vinet

Lors de sa conférence annuelle des développeurs (WWDC : World Wide Developers Conference), édition 2024, Apple présentait ce qui semblait prometteur pour l’intelligence artificielle (IA) en dévoilant Apple Intelligence et, par le fait même, une version grandement améliorée de Siri, son assistant personnel intelligent.

Or, un an plus tard, fort est de constater que les grandes promesses via des démonstrations, qui s’avéreront en partie fausses, n’ont pas été livrées, mettant Apple dans l’eau chaude. Voyons ce qu’il en est.

2024 – Présentation en grande pompe d’Apple Intelligence

En juin 2024, Apple annonçait l’arrivée d’Apple Intelligence, une IA censée révolutionner notre façon de travailler et d’interagir avec nos appareils Apple. À cette présentation, certaines démonstrations ont été faites et le tout semblait prometteur.

Lors de cet exposé, Apple mentionnait que ses nouvelles fonctionnalités seraient livrées au cours de l’année à venir et mettait l’emphase sur le nouvel iPhone prévu pour septembre, qui contiendrait les composants requis à cette nouvelle IA.

Septembre 2024 – lancement de l’iPhone 16

Comme chaque année, au mois de septembre, Apple lance sa nouvelle lignée d’iPhone. L’iPhone 16 s’annonce prometteur. Celui-ci est vendu en grand renfort de marketing étiqueté Apple Intelligence, bien que les fonctionnalités d’IA promises ne soient pas encore disponibles.

Puis, l’année s’écoule et seules quelques fonctionnalités sont livrées, mais rien à comparer à ce qui avait été promis. Résultat; une poursuite contre Apple pour fausse publicité.

Apple Siri

Naissance du SiriGate

Lors de la présentation d’ouverture (Keynote) de la WWDC 2024, une fausse démonstration a été faite d’une fonctionnalité nommée « Siri, quand est l’atterrissage du vol de ma mère ? ». Le problème est que cette démo n’a jamais eu lieu. En fait, il s’agissait d’une vidéo conceptuelle.

Nous savons aujourd’hui grâce à des sources internes chez Apple qu’il s’agissait d’un montage. Même les ingénieurs de l’entreprise n’avaient jamais vu cette fonctionnalité !

Cette fausse démonstration est devenue le SiriGate auprès de la presse spécialisée, ce que nous nommions par le passé vaporware, terme qui signifie « promis, mais non livré. »

Vous pouvez voir vous-même cette séquence à 1 h 22 m de la Keynote 2024. Jamais nous ne voyons les résultats complets d’une commande en une seule séquence vidéo, ce qui est la norme chez Apple. Chaque séquence est entrecoupée d’interventions de l’animatrice, sauf le segment de la fin, qui est une fonctionnalité actuelle de Siri.

Le fameux « Siri, quand est l’atterrissage du vol de ma mère ? »

Des batailles internes chez Apple

Au cours de la dernière année, nous avons appris qu’il a eu une bataille interne concernant l’Apple Intelligence et l’amélioration de Siri. Le très réputé John Gruber, créateur du langage de balisage Markdown et auteur du blogue à succès Daring Fireball (anglais) nous parlait symboliquement d’une « pomme pourrie au sein du panier ».

Dans cet autre article (en anglais), nous apprenons les tirades internes concernant l’IA. John Giannandrea a été recruté en décembre 2018 pour diriger l’apprentissage artificiel (machine learning). Or, après tout ce temps et si peu de résultats, il semble avoir perdu la confiance de Tim Cook, actuel président d’Apple.

M. Giannandrea a été débauché de chez Google pour mettre en place le fameux Apple Intelligence. Le nouveau responsable serait Mike Rockwell, celui-là même qui a piloté le projet Apple Vision Pro. M. Rockwell tomberait sous la direction de Craig Federighi, vice-président principal de l’ingénierie logicielle et figure emblématique chez Apple, alors que son prédécesseur était au même niveau de direction que M. Federighi. Ici, on voit clairement le changement de direction.

Il faut comprendre que l’IA est un enjeu crucial pour toute entreprise informatique, Apple la première. Celle-ci a accumulé un retard important dans un domaine où une course folle règne. Ceci pourrait aller jusqu’à coûter le poste de Tim Cook. Ceci est sans compter les impacts sur la vente de produits, sachant que Google et son Gemini font très bonne figure auprès des utilisateurs d’Android.

Août 2025 – où en sommes-nous ?

Voici ce qui a été livré jusqu’à maintenant. Notez que ces fonctionnalités sont livrées à différents intervalles selon le lieu géographique. Au Canada francophone, une partie de ces fonctionnalités ont été livrées en avril cette année :

  • Live Translation : traduction en temps réel, disponible dans Messages, FaceTime et Téléphone, permettant de communiquer facilement à l’écrit et à l’oral, peu importe la langue.
  • Intelligence visuelle étendue : recherche et interaction automatique avec le contenu à l’écran, suggestions intelligentes (ajout d’événements dans le calendrier depuis une page, synthèse de suivi de commandes dans Portefeuille, etc.).
  • Genmoji & Image Playground : création et personnalisation d’emojis et d’images, intégration de nouveaux styles et combinaisons inédites. Pour avoir testé Image Playground à quelques reprises, je dois avouer que celui-ci m’a grandement déçu. La qualité des images rendues, lorsque le produit fonctionne, laisse à désirer. Plus souvent qu’autrement, celui-ci n’arrive pas à générer ma requête. Bref, un produit très décevant qui, au dire de plusieurs, est appelé à disparaître.
  • Raccourcis intelligents : automatisation avancée et contextuelle dans l’app Raccourcis, exploitation du modèle IA embarqué directement sur l’appareil (hors-ligne et respect de la confidentialité).
  • Ouverture aux développeurs : accès aux modèles fondateurs d’Apple Intelligence pour concevoir de nouvelles expériences IA dans leurs apps.
  • Support linguistique élargi : les fonctionnalités Apple Intelligence sont progressivement disponibles dans huit nouvelles langues, dont le chinois, le danois, le néerlandais et le portugais.

Voici ce qui n’a pas encore été livré :

  • Siri nouvelle génération : malgré les promesses, l’assistant vocal Siri n’a pas encore reçu les améliorations majeures annoncées en 2024 (compréhension contextuelle avancée, actions complexes automatiques). Siri reste globalement inchangé et les améliorations significatives sont toujours attendues.
    Selon le très branché Mark Gurman, journaliste spécialisé chez Bloomberg, Apple prévoirait une possible livraison de Siri amélioré au printemps 2026. Cette information provient de sources internes chez Apple, mais demeure à confirmer.
  • Fonctionnalités réellement révolutionnaires : plusieurs annonces initiales de 2024 (assistant IA transformateur, productivité décuplée, réponses automatisées contextualisées, intégration totale avec toutes les apps du système) n’ont pas été déployées ou sont encore limitées à des usages restreints, notamment hors États-Unis ou en dehors de l’anglais.
  • Déploiement complet selon la langue et la région : l’accès à toutes les fonctionnalités Apple Intelligence reste dépendant de la langue, de la région et même de la configuration du compte Apple. Certaines fonctionnalités ne sont pas encore accessibles en français partout et sur tous les appareils.
  • Fonctions avancées dans certaines apps tierces : l’intégration avec des apps tierces (par exemple, Google, Etsy) pour une exploitation avancée de l’intelligence visuelle reste en phase de test et n’est pas disponible sur tous les territoires ou pour tous les utilisateurs.

Mais, quelle est la stratégie d’Apple concernant l’IA ?

Si nous prenons un peu de recul, il est essentiel de bien cadrer les objectifs décrits par Apple concernant l’IA. Apple n’a jamais annoncé vouloir créer une IA de type agent conversationnel (chatbot) à la ChatGPT, ce que nous avons été nombreux à penser.

L’idée maîtresse est de nous assister intelligemment dans nos tâches quotidiennes. Par exemple, obtenir des suggestions de retouches de photos, dicter une réservation au restaurant, demander l’heure d’arrivée d’un vol d’avion, mais pour vrai cette fois. Bref, ce que nous serions en droit de nous attendre d’un assistant numérique personnel.

D’un autre côté, Apple a signé un partenariat avec OpenAI, la firme créatrice de ChatGPT, pour les requêtes plus élaborées nécessitant l’accès aux informations d’Internet, élément en faveur d’Apple qui ne cherche pas à compétitionner ce marché, pour le moment.

L’avantage ici est qu’Apple vous demande l’autorisation d’utiliser ChatGPT pour ses questions et, suivant votre accord, anonymise vos requêtes auprès de ChatGPT. Je l’ai utilisé à quelques reprises avec mon MacBook et ça fonctionne très bien.

D’un autre côté, nous pouvons concevoir qu’Apple a été pris au dépourvu par la croissance rapide de l’IA et a dû gérer des retards gênants. Cependant, ces difficultés ne sont pas des fiascos, mais des soucis courants avec l’innovation. Le vrai défi réside dans la capacité de l’entreprise à s’adapter, identifier et résoudre ces problèmes pour continuer à évoluer.

Ceci nous amène à la question de la responsabilité et des dégâts occasionnés. Sur ce dernier point, Apple, qui se présente comme une entreprise réglée au millimètre près, a terni sa crédibilité. Dorénavant, toute annonce d’une fonctionnalité ambitieuse sera entourée de méfiance si aucune preuve rapide de son existence réelle n’est fournie. La confiance se gagne difficilement et se perd rapidement. Espérons qu’Apple a retenu la leçon, cette fois.

Post-sciptum 1

Un ajout de dernière minute, alors que j’avais envoyé cet article pour publication auprès de notre très estimé collègue Richard Gervais, éditeur du CHIP, celui-ci a repéré une nouvelle toute fraîche, grâce à son œil de lynx, qu’il m’a généreusement partagé afin d’enrichir la présente. Cet article de TechCrunch nous apprend, en ce 22 août, qu’Apple serait en exploration d’un partenariat avec Google afin d’intégrer son assistant conversationnel Gemini à sa plateforme. Cette information provient encore une fois de Mark Gurman.

À quelques semaines du lancement du nouvel iPhone et autres nouveautés, je doute que nous ayons une nouvelle en ce sens lors de cette présentation. Toutefois, ceci reste à surveiller, Apple utilisant déjà ChatGPT à travers Apple Intelligence, comme nous l’avons vu dans cet article. Remarquez qu’un partenariat n’empêche pas l’autre, comme nous le voyons dans le monde de l’IA où, à l’aide d’un abonnement, il devient possible d’interroger plusieurs moteurs IA avec une seule requête. À suivre…

Post-sciptum 2

J’ai utilisé un moteur de recherche par intelligence artificielle pour quelque peu enrichir ce dossier. Étant un client de Bell depuis trois ans, j’ai reçu une offre d’abonnement gratuit d’un an à Perplexity Pro, un moteur d’IA que j’utilisais déjà. Si vous êtes dans une situation similaire à la mienne, je vous invite à vous renseigner auprès de Bell Canada.

Informatiquement vôtre,

Daniel Vinet

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