Nous poursuivons dans cette troisième partie une conversation en lien avec l’apprentissage numérique chez les aîné(e)s. Une semaine plus tard, Claude communique avec Dominique :
Claude : Allô, Dominique. Je crois que je suis prêt à me lancer dans l’aventure numérique. Pourrais-tu m’aider s’il te plaît ? On commence par quoi ?
Dominique : Mais bien sûr que je vais t’aider. Tout d’abord, peux-tu m’expliquer en tes mots ce que tu voudrais pouvoir faire ?
Introduction
Dans un premier article, je vous entretenais sur des raisons pour lesquelles certaines personnes pourraient être insatisfaites de leur situation numérique actuelle. Dans un deuxième article, je vous suggérais diverses voies pour les informer sur ce que serait une situation optimale et quelques ressources disponibles pour y arriver. Claude s’est maintenant « fait une tête » et estime que ça vaut le coup.
Dans ce troisième article, je parlerai d’une douzaine d’aspects à tenir compte pour favoriser une intervention efficace et s’assurer d’un certain succès lors des premiers pas. Il faut tenter de s’assurer que chacun de ces petits pas amène un « + », un sentiment positif, une victoire, et ce sans s’approcher de potentiels abîmes.
Pédagogie et andragogie
Ça fait plusieurs fois que je mentionne ces termes. En fait, c’est quoi la différence entre la pédagogie (Science de l’éducation des enfants) et l’andragogie (Science de l’éducation des adultes) ?
Jeunes, nous sommes tous allés à l’école. Les enseignants exposaient toutes les notions d’un programme, avec très peu de regard sur les besoins spécifiques et les vécus des élèves. En pédagogie, les élèves en sont à leurs premiers balbutiements de la vie et ils sont exposés à une pléiade de domaines, de matières, de notions pour se découvrir et se diriger de plus en plus vers leur voie favorite.
À ce stade, ce sont les autres qui décident de tout ce qui doit être vu pour nous exposer au plus grand nombre de stimuli possibles. On appelle cela le Programme de Formation Générale. Étant ce premier modèle que nous avons vécu, il est normal que nous tentions de reproduire ce même schéma lorsque nous voulons enseigner de nouvelles notions à une connaissance. Mais est-il bon d’en dire trop ?
En andragogie, le besoin de connaissance doit venir de l’individu. Ce ne sont pas les autres, mais lui qui décide où il veut que la matière l’amène. Par contre, lorsqu’on lui demande ce qui pourrait le faire progresser, il ne peut que suggérer des éléments à l’intérieur de ce qu’il connaît. L’univers du numérique est tellement vaste qu’il n’est pas au courant de tout ce qui pourrait être intéressant pour lui.
On ne peut donc pas lui demander ce qui est requis pour l’aider. Il faut plutôt s’interroger quant à SES besoins pour tenter de trouver ce qui sera pertinent pour ce qu’il veut être capable de faire. Où est-il rendu dans ses expériences ? Par exemple, il existe sur Internet des présentations très agréables au sujet de Windows, de petits bijoux. Mais ce contenu serait-il pertinent pour cette autre personne ? Un trop plein d’informations rendra la progression plus difficile, surtout au début.
Douze conseils
Voici une douzaine de conseils, découlant de connaissances et d’expériences, pour aider un adulte en situation d’apprentissage numérique.
1. L’attitude
« Attention à la condescendance, vive l’empathie ». La crédibilité que nous donnera la personne apprenante doit être établie par le sentiment que l’intervenant facilite sa progression, qu’il lui permet d’évoluer et non sur la base de connaissances écrasantes.
D’ailleurs, nous nous méfions toujours de quelqu’un qui débarque en affichant haut la main ses diplômes et faits d’armes. L’intimidation n’aide pas à l’apprentissage.
2. Suggérer des outils abordables adaptés au besoin
Par abordable, je veux dire tant au niveau du prix qu’à la complexité d’utilisation. Au départ, Dominique devra probablement conseiller Claude pour l’acquisition d’un appareil numérique.
Dans l’article précédent, j’avais abordé ce sujet dans le contexte où Claude devait avoir une idée claire de la situation envisagée. À ce qui a été écrit, j’ajouterais un estimé de la facilité de progression et de persévérance que Claude possède.
Dans la plupart des cas où une personne me demande ce que je lui conseillerais d’acheter pour débuter, la tablette revient souvent. Cela correspond à un besoin de navigation sur Internet et d’échange de courriels.
Mais, pour une personne plus audacieuse dans ses aspirations, par exemple, avec un désir de produire des documents, l’ordinateur serait préférable. S’il y a un doute sur la persévérance, je suggérerais d’acheter un appareil recyclé.
3. Éviter le jargon
Plus on en sait, plus on risque d’en dire trop avec des termes trop compliqués. Il y a alors une possibilité de perdre l’interlocuteur.
Pour être compris en informatique, il faut faire des efforts pour vulgariser les connaissances dans un langage simple et, si possible, collé au quotidien de l’autre. Pour ma part, j’aime beaucoup utiliser des métaphores.
4. La théorie des petits pas
Ne sautez pas d’étapes. Si une tâche semble complexe, tentez de la diviser en des éléments plus simples. Par exemple, vous offrez une tablette à un néophyte. Posez-vous la question, quel serait le plus petit pas qu’il aurait à franchir pour partir dans la bonne direction ?
Enseignez-lui d’abord les notions de base : allumer et éteindre la tablette, charger la pile, se brancher à Internet, identifier les applications essentielles, etc. Il ne faut pas oublier que chaque pas réussi crée une victoire et une satisfaction. C’est la somme de ces énergies positives qui soutient le désir de progresser.
5. L’empreinte mnémique
Un stimulus fort favorise toujours la mémorisation de notions. Il y a un truc pour créer une émotion lors de l’acquisition d’une notion. Il faut la coller à un souvenir, une expérience vécue ou un élément déjà mémorisé. Juxtaposer une notion à un fait déjà en mémoire accentue la facilité pour la retrouver.
Écrire des notes est aussi une bonne façon de faire. Le quadruple stimulus, entendre, voir, écrire et faire renforce la mise en mémoire, donc de l’empreinte mnémique.
6. Répéter par paraphrase
En enseignement, il faut répéter, répéter, toujours répéter. Je ne vous apprends rien ici.
Lorsque je vois un point d’interrogation rester figé sur le visage d’un apprenant, je tente d’utiliser d’autres mots, de changer de métaphore, de trouver une autre façon de dire ce que je viens d’expliquer. Par exemple, dans des ateliers sur Zoom, j’essaie presque toujours d’amener une notion nouvelle en utilisant trois approches différentes.
7. Favoriser le toucher et non l’observation
Plutôt que de faire une démonstration, encouragez la personne à procéder elle-même en suivant vos explications. Au début, il faut la laisser ressentir, taper tout ce qu’elle souhaite et appuyer sur les boutons qui piquent sa curiosité. En cas d’égarement, votre expérience permettra de la ramener dans le droit chemin.
J’appelle cela « l’approche des mains dans le dos ». D’ailleurs, dans les ateliers que nous donnons actuellement sur la plateforme Zoom du Club, nous n’avons pas d’autre choix que d’utiliser cette méthode.
8. Les outils adaptés à leurs besoins, non au mien
Encore ici, je répète qu’il faut s’adapter aux intérêts des personnes qui désirent apprendre. En plus de ne pas les démotiver avec des termes incompréhensibles, il faut travailler activement pour que les actions captent leur attention. Par exemple, soutenir l’intérêt en combinant les activités d’apprentissage avec leurs passe-temps préférés et leurs passions de longue date.
9. Au départ, chercher la bonne motivation
Plusieurs personnes diront d’abord qu’elles n’ont pas le choix d’apprendre l’informatique. Ce n’est pas trop positif comme attitude. Nous devons nous débarrasser de l’expression « pas le choix » et rechercher la bonne motivation. Il faut identifier une accroche adaptée à la personne, le bon teaser, afin de quitter l’inertie numérique et de cheminer dans la voie du changement.
Pour une personne donnée, ce sera la passion du voyage qui aura été l’étincelle de l’apprentissage. Pour d’autres, ce sera :
- Qu’est-ce que tu aimes faire ? Regarder des films ?
- Écouter des chansons des années 60-70 ?
- Avoir accès à des livres difficiles à trouver ?
- Découvrir des lieux insolites partout dans le monde ?
Quels que soient les intérêts des gens, il existe probablement de nombreux outils susceptibles de satisfaire leur curiosité avec le numérique. Si les personnes accumulent des petites victoires, elles verront par la suite d’autres portes s’ouvrir.
10. La patience
Oui, je le réalise pour moi-même, mais apprendre quelque chose de totalement nouveau est de plus en plus exigeant avec l’âge. Comme mentionné précédemment, la répétition des explications peut être nécessaire. On n’apprend pas seulement à se servir d’un appareil électronique, car il s’agit aussi de maîtriser un nouveau langage.
Comment contrôler le volume de l’appareil, où se trouve la caméra, où regarder lors d’un appel vidéo ? Aussi simples que ces questions puissent vous paraître, ce n’est pas tout le monde qui est en mesure de deviner où résident les fonctionnalités d’un appareil et savoir comment les ajuster.
Les nouveaux apprenants feront des erreurs. Il est essentiel de ne pas s’impatienter et, surtout, de ne pas les juger. La patience est de rigueur.
11. Rétroaction positive
Naturellement, les félicitations sont de mises le plus souvent possible. Nous réagissons mieux aux « OOUUIII! » qu’au « NON!!! ». Cela ne veut pas dire de ne pas intervenir après une erreur, mais c’est dans la façon de le faire. Avec une rhétorique positive, il est préférable d’utiliser la séquence du genre « positif, négatif, positif ».
Par exemple, il faut amorcer avec un propos positif, ensuite décrire l’erreur, pour finalement présenter de façon agréable le bon comportement à adopter.
– Wow, ça avance bien !
– Mais là, regarde bien ce qui s’est passé quand tu as fait ceci.
– Essaie plutôt de faire cela et tu vas voir que ça va fonctionner.
Oui, je sais, c’est plus long, mais référez-vous au point 10 traitant de la patience.
12. Pratique, pratique, pratique
Enfin, tous les conseils personnalisés seront vains si la personne ne pratique pas. La répétition peut être ennuyeuse, mais combien importante !
En terminant
Certains sites proposent des conseils pour aider des personnes à apprivoiser la technologie. En voici deux :
Mais VOUS, avez-vous des trucs? Quelqu’un vous a-t-il déjà aidé à voir la lumière avec de bonnes stratégies. Si OUI, partagez-les dans les commentaires.
La mission du CIMBCC est de proposer un cadre pour le partage de connaissances et l’entraide en informatique. Ce que vous écrirez pourrait s’aligner exactement sur cette philosophie et en aider plus d’un !
Pierre Delisle
Note de l’éditeur
Tout comme dans le premier article de la série actuelle traitant de l’apprentissage numérique, les illustrations de ce texte ont été produites par intelligence artificielle (IA) à l’aide de Copilot Designer de Microsoft. L’utilisation future d’images tirées de l’intelligence artificielle sera dorénavant indiquée dans leur légende.
Selon cette référence, la génération d’une seule image par IA requiert entre 0,01 et 0,29 kWh, en fonction du logiciel utilisé.
« La consommation d’énergie de la génération d’images par IA est comparable à celle du minage de cryptomonnaie. Les deux processus impliquent des calculs complexes qui nécessitent une puissance de calcul importante. »
Les cinq illustrations de cet article auraient donc requis entre 0,05 et 1,45 kWh chez Microsoft. À titre de comparaison, mon réfrigérateur avec congélateur dans le bas datant de 2017 utilise 1,48 kWh par jour, selon Hydro-Québec. L’impact des nouvelles technologies est donc loin d’être négligeable au niveau environnemental.
R. Gervais
Bonne série d’articles, Pierre.
Un bon article. Merci pour les conseils, ça va aider à montrer à ma sœur aînée de se servir d’un iPad.
Troisième bon article sur l’ APPRENTISSAGE NUMÉRIQUE CHEZ LES AÎNÉS Pierre, bravo. Cet article encouragera les débutants en informatique à progresser à leur rythme, une marche à la fois.