Apprentissage numérique chez les aînés : pourquoi ?

mmmmPierre Delisle

Claude (74 ans) : Hey ! Dominique ! Je cherche le taux de change de l’argent américain.

Dominique (68 ans) : Juste un instant, Claude. Selon les dernières données, 1$US équivaut à 1,36 $CA.

Claude : Merci ! Mais là, il faudrait que je retransforme tous les coûts des dépliants pour voir combien ça fait en dollars canadiens !

Dominique : De quand datent tes dépliants ?

Claude : Il y a deux ans. Pourquoi ?

Dominique : Eh bien ! Les coûts ont sûrement changé. Tu pourrais avoir les prix à jour sur Internet. Pour la transformation en dollars canadiens, tu pourrais utiliser une feuille de calcul. En fait, Claude, il faudrait que tu fasses le pas vers l’utilisation d’un ordinateur …

Claude : Euh !

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Cela vous rappelle-t-il des discussions avec des proches ? Peut-être avez-vous déjà été dans la position de Claude ou de Dominique ? Et si la personne décide de passer au numérique, qu’est-ce qui pourrait lui ouvrir la voie, lui faciliter son parcours ?


Conduite du changement

Dans mon tout premier article dans le CHIP, je parlais de conduite de changement. En psychologie comportementale, on suggère que pour réussir la démarche de changement, il faut satisfaire ses besoins à au moins trois niveaux :

Insatisfaction de l’état actuel : ici, c’est le Pourquoi. Découvrir et cumuler des informations qui lui feront voir que sa situation actuelle pourrait être optimisée.

Clarté de l’état désiré : ici, c’est la Visualisation.  Trouver des moyens pour savoir ce que je pourrais faire avec une connaissance des outils disponibles.

Raisonnabilité du premier pas : ici, c’est le Comment. Pour progresser, il faut avoir une stratégie facilitant l’acquisition des connaissances désirées. Une succession d’actions bien dosées afin de faire évoluer sans créer de précipice ou d’abîme.


Dossier en quatre articles

Cela m’a inspiré un dossier de quatre articles que je vous proposerai dans les prochaines semaines.

  1. Pourquoi amorcer ce changement ?
    Insatisfaction de l’état actuel
    : ce premier article synthétise plusieurs raisons que vous pourriez rappeler à une connaissance pour l’inciter à se tourner vers le numérique ou à progresser si elle utilise déjà des outils.
  2. Pour aller où ?
    Clarté de l’état désiré : de quoi avons-nous besoin pour emprunter cette voie ? Y a-t-il des services disponibles pour les gens comme nous ? Cet inventaire sera présenté dans le deuxième article.
  3. Comment ?
    Raisonnabilité du premier pas
    : dans un troisième article, je vous énumérerai quelques trucs que j’utilise dans mon approche andragogique, mieux adaptée à une clientèle de notre niveau.
  4. État actuel
    Finalement, à partir des données provenant de la Toile et des sondages « maison », nous verrons où nous en sommes au Canada, au Québec, en Montérégie et au CIMBCC.

Définition d’aîné(e)

D’abord, quelques mots sur l’utilisation du terme « aîné ». Selon le Robert, la définition la plus courante : « les aînés sont toutes les personnes âgées de 65 ans et plus ».

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Dans le dernier sondage maison du Club, nous avons estimé la moyenne d’âge des membres à 74 ans. Toujours selon le sondage, nous avons près de 7% de membres qui n’ont pas atteint cet âge. Je m’excuse auprès d’eux s’ils se sentent lésés par le terme.


Dix facettes de l’apprentissage numérique

Pour faire face aux besoins quotidiens de notre époque, dans un monde où la technologie est omniprésente au quotidien, l’alphabétisation numérique des gens de notre catégorie d’âge représente un enjeu clé qui se doit d’être pris en compte.

Dans un but d’éviter une fracture qui pourrait nuire à inclusion sociale au sein de la communauté, l’éducation numérique s’impose comme une solution permettant de rester impliqué dans la société, de conserver une vie active (visavie).

Voici, entre autres, 10 facettes où le numérique pourrait améliorer la satisfaction de notre état actuel.

  1. Éviter l’isolement social et la solitude
    Nous l’avons bien réalisé pendant la pandémie. Le fait de pouvoir continuer à échanger avec ses enfants, ses petits-enfants, sa famille, ses amis a amené plusieurs personnes à apprendre des rudiments du numérique (le marronnier). Et si, en plus, nous avions accès à une caméra, nous pouvions voir nos interlocuteurs comme dans une télévision. Peu de personnes ignorent maintenant ce que sont Zoom, Teams ou Skype.

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    Il y a aussi toute la dimension écrite avec les échanges de courriels et de textos avec ses proches.
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    Il ne faut pas oublier les réseaux sociaux, utiles pour prendre des nouvelles, voir des photos, participer et organiser des événements.

  1. Maintenir et accroître notre autonomie au quotidien
    L’alphabétisation numérique nous permet aussi de continuer à avoir un plein accès aux sources d’informations disponibles en ligne, tout en ayant la possibilité de gérer par nous-mêmes certains rendez-vous, par exemple. En plus d’une plus grande autonomie, cet aspect est aussi souvent associé à une meilleure confiance en soi.
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    De plus en plus d’éléments du quotidien impliquent dorénavant d’avoir recours aux technologies. En apprivoisant davantage ce monde numérique, nous nous offrons la chance de faciliter bien des facettes de notre vie de tous les jours : popote, gestion des activités, des projets ou des voyages, services bancaires, magasinage en ligne, et bien plus ! Nous nous concentrons plus attentivement sur plusieurs de ces éléments.
  1. Offrir une belle gamme de divertissement
    Après la retraite, il est nécessaire de trouver des activités pour combler le temps que l’emploi occupait auparavant.
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    Bon nombre de personnes âgées se tournent alors vers des activités manuelles ou physiques, en vue de continuer à faire fonctionner les méninges et conserver une bonne santé (les Girandières). D’autres passent du jeu de cartes à la table aux jeux en ligne. Nous étions plusieurs à avoir une riche vie sociale grâce à nos activités, que ce soit la pétanque, les jeux de cartes ou la danse.
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    Revenons à la pandémie. Nous avons troqué plusieurs de nos rencontres « présentielles » contre les rencontres « virtuelles », se retrouvant en groupe pour s’adonner à diverses activités en ligne. Je suis bien d’accord que rien ne vaut mieux que des rencontres en personne. Mais que faire lorsqu’on n’a plus cette liberté ? Au bout de leur tablette électronique, tous les contacts sont permis, tant avec un voisin qu’avec des proches plus éloignés (le marronnier) !
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    Et comme je le mentionnais dans un précédent article, de telles activités contribuent, à son échelle, à préserver des capacités cognitives : son Capital Cerveau.
  1. Optimiser la sécurité et la santé
    Le domaine de la santé en persuade plus d’un d’utiliser le numérique.

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    La télémédecine peut permettre, dans certains cas, de rencontrer un médecin ou tout autre professionnel de la santé par une consultation à distance.
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    L’optimisation de la prise des médicaments : des applications en ligne facilitent la communication avec notre pharmacie et que dire des nouveaux piluliers virtuels.
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    L’utilisation de moniteurs de tout genre : pour contrôler et mesurer plusieurs indicateurs de santé comme la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la qualité du sommeil, le taux d’oxygénation, le poids … et ce sans devoir se rendre chez un spécialiste de la santé.
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    L’installation de dispositifs d’alertes d’urgence, notamment en ce qui concerne la détection des chutes ou le repérage.
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    Plateforme en matière de soins à domicile : elles seront de plus en plus accessibles et permettront de regrouper nos données biométriques provenant de différents systèmes et objets connectés. Elles seront probablement aussi accessibles à des proches aidants à distance. En utilisant l’intelligence clinique, elle analyse et traduit en alertes ou en action ces données en temps réel (Informe-affaires).
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    En maîtrisant la base de ces technologies, nos proches et nous pouvons profiter d’une meilleure connaissance en temps réel sur leur  propre situation de santé !

  1. Applications bancaires
    Notre argent est maintenant en ligne. Grâce aux applications bancaires, il est aujourd’hui plus pratique et facile de faire certaines tâches de notre quotidien en demeurant à la maison.
  1. Faciliter les démarches administratives
    Le numérique s’est, lentement mais sûrement, infiltré dans notre relation avec les administrations publiques. Ils se numérisent et bientôt, de nombreuses formalités administratives devront se faire par le biais de l’Internet : la déclaration de revenus, les services publics, certaines demandes auprès de la municipalité, etc.
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  2. Faire des achats en ligne
    Là encore, pour conserver une certaine autonomie, il peut être plaisant de continuer à faire ses courses ou de subvenir à un besoin quelconque en commandant en ligne puisque nous avons pratiquement accès à presque tout, partout, 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

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    De cette façon, nous pouvons plus facilement comparer les prix, accéder à une gamme de produits plus étendue et bénéficier de commentaires d’autres consommateurs. Et ce, sans avoir à se déplacer : les livraisons à domicile sont presque toujours proposées (voir les notes de ma présentation Initiation aux achats en ligne).

  3. Suivre l’actualité et rester informé
    Bien que la télévision et la radio soient de grandes sources d’informations sur ce qui se passe dans le monde, ces médias ne permettent pas d’approfondir à notre convenance un sujet qui nous a intéressés.
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    Grâce au Web, on peut ainsi facilement et rapidement se renseigner davantage, mais également étendre ses connaissances sur d’autres choses. Les journaux possèdent presque tous un site Internet et il y a de plus plusieurs manières de recevoir l’information : vidéo, balado, article.
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  4. Cultiver son art, sa passion
    Avec la venue de la retraite, nous pouvons continuer à suivre le fil de l’évolution du domaine dans lequel nous évoluions. Le numérique, grâce à des outils de recherche et d’énormes banques de données, nous permet de rester à jour dans presque tous les domaines.
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    Et que dire des personnes du monde artistique ? Que de choses elles pourront réaliser en produisant des œuvres directement sur le support numérique ou en les incarnant dans l’espace physique.
  1. Le faire avec une sécurité accrue
    Là où nous sommes plus chatouilleux, c’est au niveau de la sécurité, la préservation de notre bas de laine.

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    Bien sûr, nous avons tous entendu des histoires de fraude liées à l’utilisation de la technologie. Mais si elle est bien utilisée, avec un minimum de précaution (voir la présentation de Michel Gagné), il est souvent plus sécuritaire d’utiliser le numérique que de se promener avec de l’argent liquide ou notre portefeuille plein de cartes bancaires.
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    « Dans la majorité des cas, pour voler les données d’une carte de crédit, ce n’est pas Internet que l’on utilise, mais bel et bien la technique des pickpockets. » (Économie numérique)


En conclusion

Nous avons énuméré beaucoup d’avantages avec l’apprentissage numérique. Comme mentionné au début de ce texte, si Dominique invitait Claude à s’ouvrir au monde des ordinateurs, je lui suggérerais de lui parler que d’un, deux ou, au maximum, trois des éléments les plus pertinents pour combler ses besoins les plus pressants.

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« Beurrer trop épais » pourrait l’intimider, comme nous le verrons dans le troisième article, au niveau de l’attitude. Il faut bien doser ses interventions afin que Claude voie et croie que c’est possible, à court terme, d’avoir de petites victoires.

Mais avant, dans le second article, nous verrons des éléments qui aideraient à avoir en tête une idée plus claire de la situation désirée.

Pierre Delisle


Notes de l’éditeur

Intelligence artificielle

Sauf pour la photo de Pierre Delisle et le tableau sous le paragraphe traitant de la conduite du changement, toutes les illustrations présentées dans cet article ont été créées par intelligence artificielle (IA) à l’aide de Copilot Designer de Microsoft. Elles sont identifiées en légende par Illustration IA 1 à Illustration IA 7 et elles ont été générées en quelques secondes.

Copyright

L’utilisation d’images tirées d’Internet sans attribution de leur source peut causer des problèmes de droits d’auteur, ce que le CIMBCC veut éviter. Selon cette référence récente, les images créées par le logiciel d’intelligence artificielle de Microsoft ne seraient pas sous copyright.

Brève critique du résultat obtenu

Une courte phrase est soumise à Copilot Designer pour produire une image. Le résultat varie selon les cas.

  • Par le passé, l’IA a démontré de la difficulté lorsque des doigts humains sont présents dans une image. Dans la première illustration, les mains de la dame à droite semblent un peu disproportionnées par rapport à celles de son compagnon.
  • Dans la deuxième illustration, le siège est une catastrophe. Une chaise à pattes de bois est superposée à une chaise de bureau. De plus, la perspective est ratée puisque la personne est assise à côté du bureau soutenant le moniteur et le clavier. Les doigts et les mains du vieux monsieur ne sont pas crédibles et la personne debout derrière lui possède seulement 4 doigts à sa main gauche.
  • Les illustrations IA 3 et IA 4 sont raisonnables, quoiqu’il y ait un nombre très élevé de tasses sur le bureau dans IA 3.
  • La carte de crédit dans la cinquième image flotte au-dessus du clavier, sans contact avec les mains droite et gauche de la personne.
  • La main gauche de la dame dans l’image 6 possède un pouce excessivement long et les doigts de l’homme dans la septième image sont disproportionnés par rapport à son visage. Les peintres et les sculpteurs n’ont pas encore à craindre l’intelligence artificielle (pour le moment).

R. Gervais

7 réflexions sur « Apprentissage numérique chez les aînés : pourquoi ? »

  1. Excellent article, Pierre. Lorsque je suis entré dans le club, j’ai moi-même été surpris du haut taux « d’analphabétisme » numérique de nos aînés et c’est une mission importante du club. Par ailleurs, le CIMBCC nous laisse une belle liberté en ce qui a trait au niveau technique de nos articles permettant ainsi de répondre à tous les niveaux possibles et même, en susciter de nouveau auprès de ceux qui ont une connaissance plus limité.

  2. Pierre,

    Continuer à ajouter au CIMBCC en grand nombre des ainés non numériques ou des ainés peu numériques à un rythme élevé (disons de 1000 membres à 2000 membres), continuer à ne pas voir la tranche 40 à 60 ans stagner en petit nombre et continuer à ne pas avoir des vrais informaticiens membres rendrait inutile la production de chroniques de fond sophistiquées ou de présentations plus avancées pouvant soulever un intérêt véritable. La règle du plus petit commun dénominateur s’appliquerait négativement pour les membres plus avancés !

    La notion de Michel d’une épicerie ou chacun trouve ce qu’il cherche peut devenir impraticable !

    Mais c’est le CA du CIMBCC qui recommande la direction à suivre, j’en conviens.

    Quand même, c’est toujours un plaisir, Pierre, de te lire.

  3. Très bon article Pierre et la suite devrait être tout aussi intéressante.
    Je rencontre souvent des aînés qui me disent qu’ils sont trop âgés pour apprendre l’informatique. S’ils ont l’occasion de lire ton article, ils pourraient comprendre combien l’informatique fait et fera encore plus partie de nos vies dans le futur.

    1. Merci Réjean de ce commentaire constructif! Oui! Je fréquente beaucoup de personnes qui se disent fièrement être des aînés numériques. Et ils ont peut-être maintenant de nouveaux arguments pour intéresser leurs compères

      1. Tous les commentaires modérés publiés par notre modérateur sont constructifs à qui veut les recevoir !

        Je dis OUI à voir à augmenter le nombre de membres actuels par des ainés (dont vous semblez nommer la majorité comme de fiers ainés numériques et dont j’en suis un soyez en sûr).

        Pour moi, le vrai défi est de trouver des gens de la tranche 40 à 60 ans qui s’intéressent vraiment à l’informatique. Les plus jeunes de nos membres actifs pourraient s’y mettre à la tâche. Il faut aussi des activités adaptées en conséquence.

        Et surtout il faudrait une volonté d’attirer des plus jeunes pour ne pas cantonner le CIMBCC uniquement comme un club de l’âge d’or d’ainés numériques !

    2. Oui Réjean, tu as raison. Et ces gens dont tu fais référence peuvent se joindre au merveilleux groupe de l’âge d’or du club informatique CIMBCC avec sa moyenne de 74 ans d’âge. Personnellement, j’aimerais que le CIMBCC intéresse (plus et aussi) la tranche 40 à 60 ans comme ce fut le cas il y a longtemps !

  4. J’ai trouvé intéressant la création des images par l’IA du Copilot Designer et les notes de Richard ! Copilot est en période d’enfance, qu’en sera-t-il dans sa vieillesse ?

    Une adaptation du cri du cœur du poète Claude Péloquin : « Vous êtes pas écœurés de mourir, bande de caves » ! par « Vous êtes pas écœurés d’être traités en ainés, bande d’ainés » !

    Je me crois mieux qu’une machine ou qu’un logiciel car ces derniers sont mes outils ! Il s’agit de commencer le numérique le plus tôt possible !

    La volonté et la capacité d’apprendre varie avec chaque personne quel que soit l’âge ! Ceci en petites ou grandes bouchées !

    Un ainé ti-jos connaissant !

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