La raison pour laquelle Apple a décidé de faire ses propres processeurs pour ses ordinateurs Mac

Daniel Vinet
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M1, M2, M3 et maintenant M4, depuis l’année 2020 Apple a décidé de changer à nouveau l’architecture de ses ordinateurs et de remplacer le cœur de ceux-ci par des processeurs de sa propre conception, alors qu’elle utilisait les processeurs Intel depuis une quinzaine d’années, mais pourquoi ?

Petit historique

J’ai écrit « à nouveau » au paragraphe précédent, car Apple n’en est pas à son premier changement majeur pour ses ordinateurs Mac. En fait, il s’agit du troisième changement d’architecture opéré par la marque à la pomme. Toutefois, il s’agit probablement là du dernier. Afin de bien comprendre les enjeux, je vous propose un petit historique de ses changements.

1984 – Lancement du Macintosh

Le Apple Macintosh original

C’est en janvier 1984 que le premier Macintosh est lancé avec éclat. D’ailleurs, la publicité basée sur le roman « 1984 » de George Orwell et produit par le producteur et réalisateur Ridley Scott est considérée comme un chef-d’œuvre publicitaire. Celle-ci vise carrément IBM et son IBM PC. Vous pouvez visionner cette publicité de lancement ici.

Processeur Motorola 68000

À cette période, Motorola était un joueur important dans l’industrie des processeurs. Apple avait sélectionné la série 68000 (68K) de Motorola comme processeur pour ses nouveaux ordinateurs Macintosh. Il s’agit d’une famille de processeurs utilisant une architecture complexe (CISC), comme celle utilisée chez Intel.

Au sujet des architectures réduites (RISC) et complexes (CISC), je vous redirige à cet article que j’ai rédigé et dans lequel j’abordais le sujet.

1994 – Changement d’architecture pour le PowerPC

Le premier changement d’architecture s’opère en 1994. Apple passe aux processeurs PowerPC, produit conjointement par le consortium Apple, Freescale et, ironie du sort, IBM. Motorola faisait partie du consortium les premières années, mais elle en a été expulsée par la suite après une dispute avec Apple au sujet de clone Mac qu’elle produisait.

Au retour de Steve Jobs chez Apple en 1997, il faut savoir que ce dernier n’appréciait pas les clones, c’est-à-dire des ordinateurs similaires et pouvant fonctionner avec le même système d’exploitation que la marque d’origine. D’ailleurs, un appel téléphonique plutôt bouillant entre Jobs et le président de Motorola, Christopher Galvin, aurait mené à cette éjection.

Du point de vue de l’architecture, il s’agit d’un changement important, puisque le PowerPC utilise une architecture RISC a contrario de la série 68K.

2006 – Changement d’architecture pour le x86 d’Intel

Apple fait le choix de changer à nouveau le processeur et retourne vers une architecture de type CISC avec les processeurs x86 d’Intel que nous connaissons tous, ceux-ci étant les mêmes processeurs utilisés pour les ordinateurs fonctionnant sous Windows.

À l’époque, la raison principale invoquée par Apple concernait l’impossibilité de créer des portables avec la dernière génération de PowerPC, la G5. Apple invoquait également une meilleure performance des processeurs Intel et stipulait que la guerre des architectures était terminée. Sur ce dernier point, l’histoire nous montrera que cet argument était du baratin.

Officieusement, dans les coulisses, il est question de partage des coûts associés à la recherche et au développement des processeurs de nouvelle génération qu’IBM aurait refusé de financer, mais bon, nous ne saurons peut-être jamais la vérité à ce sujet.

Ce qui est curieux dans cette histoire de changement d’architecture est qu’Apple a soutenu jusqu’à la dernière minute que les processeurs PowerPC étaient supérieurs aux processeurs Intel. Au final, on s’aperçoit qu’il s’agissait uniquement de raisons purement marketing. Toutefois, la pilule a plutôt mal passé auprès des aficionados d’Apple.

D’un autre côté, ce changement d’architecture venait simplifier le travail des développeurs qui n’avaient plus qu’une seule architecture de processeurs à supporter pour trois systèmes d’exploitation : Windows, macOS et Linux. Comme nous le verrons plus loin, ceci est essentiel à la vie d’une plateforme.

2020 – Changement d’architecture pour ses propres processeurs RISC

Lors de sa World Wide Developers Conference (WWDC) de juin 2020, Apple annonce qu’elle effectue à nouveau un changement d’architecture pour ses ordinateurs et qu’elle dessinera elle-même ses processeurs dotés d’une architecture RISC. De plus, Apple adopte la formule System on Chip (SoC) ou, en français, un système sur une puce.

Sur ce dernier point, les avantages sont indéniables. Le SoC regroupe tous les composants (processeur central, mémoire vive, processeur graphique, processeurs neuronaux, etc.) sur un seul circuit imprimé, ce qui permet des performances hallucinantes. D’un autre côté, il n’est pas possible de modifier ou d’augmenter la configuration initialement acquise d’où l’importance de bien connaître ses besoins présents et futurs lors de l’achat.

Puce Apple SoC (System on Chip)
Processeur Apple A17 équipant certains modèles d’iPhone

Forte de son expérience avec ses iPhone dont elle dessine déjà les processeurs depuis plusieurs années, mais également de son travail passé sur le processeur PowerPC, Apple a acquis suffisamment d’expérience pour se lancer dans l’aventure.

Si les raisons du changement d’architecture en 2006 étaient plutôt floues, celles concernant la création de ses propres processeurs sont on ne peut plus claires. Entre autres, ceci lui permet d’intégrer des processeurs neuronaux (NPU) comme dans ses iPhone et iPad.

Apple contrôle ainsi la production complète de ses ordinateurs ce qui lui permet de concevoir un cœur optimisé et plus avancé technologiquement dont son système d’exploitation dédié tire pleinement avantage.

Cœurs neuronaux à même le processeur

Lors de la sortie des premiers ordinateurs équipés de cette puce à la fin de 2020, les tests ne font pas mentir. Les performances des Mac dotés de la puce M1 sont époustouflantes. Une autonomie jamais vue, des performances inégalées et, cerise sur le gâteau, une consommation énergétique très basse qui fait que les Mac ne surchauffent pas et peuvent fonctionner pendant des heures, laissant ainsi Intel loin derrière.

Sur ce dernier point, nous savons tous combien les processeurs Intel peuvent surchauffer dès qu’on leur en demande un peu plus. Par ailleurs, il est important de mentionner que la relation d’une quinzaine d’années entre Apple et Intel a été houleuse. Apple était l’entreprise qui formulait le plus de plaintes et de demandes de modifications auprès d’Intel afin de répondre à ses standards élevés. Finalement, Apple appliquera la devise « On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. »

Les principaux problèmes rencontrés lors d’un changement d’architecture

Bien entendu, un changement d’architecture ne se fait pas sans encombre, Apple est bien placée pour le savoir. Voyons quelques-uns des défis rencontrés.

Réécriture complète du système d’exploitation

En tête de liste vient la réécriture quasi complète du système d’exploitation afin qu’il soit parfaitement adapté à la nouvelle architecture. Ceci représente un énorme risque, car aucune erreur n’est permise à ce niveau.

Il s’agit de la base sur laquelle vos logiciels fonctionnent et vos fichiers sont bien sauvegardés sans pertes. Celui-ci se doit d’être solide et performant.

La disponibilité des logiciels

Comme mentionné plus haut, la disponibilité des logiciels demeure un atout majeur pour assurer la pérennité d’une plateforme. Nous rencontrons donc le problème de compatibilité de la bibliothèque logicielle déjà existante.

En effet, il existe déjà une pléthore de logiciels conçus pour l’ancienne architecture. La question est donc, comment transiter sans perdre toute cette précieuse disponibilité logicielle ? La réponse : en créant un émulateur effectuant la conversion en temps réel entre les deux architectures, ce que nous nommons rétrocompatibilité ou compatibilité descendante.

Donc, depuis 2020, Apple livre Rosetta 2 avec chaque itération de son système d’exploitation macOS. Rosetta 2 est un émulateur transparent pour l’utilisateur. Si ce dernier installe un logiciel fonctionnant avec l’ancien processeur Intel, en arrière-plan, Rosetta 2 prend en charge le logiciel, effectue la traduction en temps réel entre l’ancien et le nouveau processeur et l’utilisateur n’y voit que du feu.

Notez qu’à l’époque du passage du PowerPC aux processeurs Intel, Apple avait livré Rosetta 1 qui effectuait le même travail.

Depuis quatre ans, la très grande majorité des logiciels pour macOS ont été recompilés pour fonctionner nativement sur les nouveaux processeurs d’Apple. Dans mon cas, il ne me reste qu’un seul logiciel fonctionnant encore sur processeur Intel. Tous les autres ont été modifiés incluant la suite Microsoft Office 2019 et 2021.

L’adoption par les consommateurs et la communauté de développeurs

Bien sûr, le succès commercial se doit d’être au rendez-vous. Pour qu’une plateforme ait du succès, la variété de logiciels doit être au rendez-vous.

Par ailleurs, Apple a toujours pris grand soin de sa communauté de développeurs. Ce sont eux qui assurent le succès de la plateforme Mac. Elle offre gratuitement son environnement de développement intégré (IDE), nommé XCode ainsi que de la documentation et des sessions de formation gratuites. Le seul coût pour les développeurs concerne les frais d’inscription annuelle de 100$ pour bénéficier de l’encadrement et du magasin Apple.

De plus, rien ne vous oblige à passer par l’App Store sur Mac. Il s’agit actuellement de la seule plateforme Apple où vous pouvez télécharger des logiciels où bon vous semble, comme pour Windows.

Parlant du Apple Store, l’obligation de passer par ce dernier pour les iPhone et iPad tire à sa fin avec les dernières exigences de l’Union européenne en matière de concurrence. Si vous désirez explorer davantage ce sujet, je vous réfère à cet autre article que j’ai écrit et qui en fait mention plus en détail.

Une forme de reconnaissance de la part de Microsoft

Le Microsoft Surface Pro + CoPilot PC

Cette année, Microsoft a surpris tout le monde en annonçant de nouveaux portables utilisant des processeurs SnapDragon X Elite de la compagnie Qualcomm qui sont d’architecture RISC, se détachant tranquillement de l’architecture CISC d’Intel. Pour plus de détails, vous pouvez consulter cet autre article où j’explique le sujet.

En bref, il s’agit d’une forme de reconnaissance des performances de l’architecture Arm-RISC versus les limitations que nous ressentons de plus en plus avec l’architecture x86 CISC d’Intel. D’ailleurs, celle-ci a eu de sérieux problèmes avec ses 13e et 14e générations de processeurs, mais ceci pourra faire l’objet d’un autre article. Pour le moment, disons qu’il est encore tôt pour se prononcer. Le temps nous dira comment tout cela évoluera.

Je crois que nous pouvons affirmer sans l’ombre d’un doute qu’Apple a fait le bon choix en optant pour des processeurs de sa propre conception. Au même titre que ses iPhone et iPad, les Mac sont d’une performance impressionnante.

MacBook Pro avec M1 Pro (2021)

Votre humble serviteur peut en témoigner. De tous les ordinateurs que j’ai pu acquérir dans ma vie, et Dieu sait combien j’ai pu en avoir et d’argent j’y ai consacré, le MacBook Pro à processeur M1 Pro que j’ai acquis en novembre 2021 demeure le meilleur appareil que j’ai possédé, et ce, malgré un portable Surface Laptop Studio 2 acquis l’an dernier.

En terminant, vous trouverez ici une liste des ordinateurs Mac classée par processeur. Sur cette autre page, vous trouverez une liste de tous les microprocesseurs conçus par Apple.

Sur ce, à la prochaine !
Informatiquement vôtre,

Daniel Vinet

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