À sa conférence annuelle pour développeurs, Microsoft Build, du 21 au 23 mai dernier, l’entreprise a présenté sa nouvelle lignée de Surface Pro et Surface Laptop annonçant un changement de cap majeur.

Une transition du monde Intel – AMD

Microsoft tente le pari qu’Apple a fait en 2020 en changeant l’architecture utilisée dans ses portables grand public, passant d’Intel avec ses processeurs x86 (CISC), aux processeurs SnapDragon de la compagnie Qualcomm qui sont de type ARM (RISC). J’abordais sommairement la différence entre les deux technologies dans cet article.

Ainsi, Microsoft reconnaît les avantages de la technologie ARM, soit une plus grande efficacité et une consommation énergétique moindre ayant un impact direct sur l’autonomie de la pile des ordinateurs portables.

Par ailleurs, Microsoft n’était pas la seule à présenter de nouveaux portables de ce type. Lenovo a présenté le Yoga Slim 7x et Asus a démontré le Vivobook S 15. Tous deux sont équipés du processeur SnapDragon.

Une intégration totale de l’Intelligence artificielle

L’Intelligence artificielle (I.A.) devient tellement partie intégrante de la combinaison ordinateur – Windows, que ses appareils portent un nouveau nom, Copilot+PC , et ils sont affublés d’une nouvelle touche dédiée à CoPilot.

La traditionnelle touche Windows du côté droit du clavier est remplacée par la touche CoPilot.

Ces nouveaux portables contiennent une puce supplémentaire d’accélération de réseaux de neurones, nommée NPU (Neural Processing Unit). Concernant cette dernière, je vous réfère à cet autre article où j’abordais le sujet.

Les NPU sont en grande demande depuis l’arrivée de l’I.A., mais surtout avec la montée des grands modèles de langage (LLM – Large Language Model) permettant une interaction similaire à une expérience humaine avec l’ordinateur.

Cette puce peut effectuer plus de 40 billions d’opérations à la seconde, oui, oui, vous avez bien lu, 40 billions ! Cette puissance, qui semble démesurée, permet de répondre aux exigences requises par les LLM qui nécessitent une importante puissance de calculs. Ainsi, il devient possible pour Microsoft de décentraliser le traitement de la fonction CoPilot vers cette puce de l’ordinateur.

Notez qu’à ce titre, Microsoft fait du rattrapage par rapport à Apple et Google qui intègrent une puce de type NPU à leurs appareils depuis des années.

Windows sur processeur ARM n’est pas une première

Microsoft n’en est pas à ses débuts avec la technologie ARM-RISC. À l’époque de Windows CE, en 1996, celui-ci fonctionnait sur ce type d’architecture. D’autres versions ont vu le jour au fil des années. Toutefois, il s’agissait bien souvent d’assistant numérique personnel (PDA) ou de téléphones intelligents. En ce qui a trait aux ordinateurs, Microsoft demeurait en terrain connu en offrant Windows pour les familles de processeurs x86 d’Intel et d’AMD.

Plus récemment, Microsoft a produit une version de Windows 11 pour processeurs ARM-Mx d’Apple, exécutable en virtualisation sous macOS en partenariat avec Parallels. Bien que virtualisée sous macOS, celle-ci offre des performances étonnantes. Pour en savoir plus au sujet la virtualisation, je vous renvoie à cet autre article que j’ai rédigé.

Cette fois-ci, on peut sentir un vent de changement de la part de Microsoft. Une sérieuse voie de transition vient d’être amorcée.

Que faire des milliers de logiciels conçus pour la plateforme Intel/AMD ?

Tout comme Apple avait prévu le coup avec sa technologie Rosetta 2 sur macOS lors de son changement d’architecture de x86 à M1, Microsoft promet un logiciel permettant l’exécution de programmes conçus pour les architectures x86 en effectuant la traduction en temps réel de ses applications afin d’assurer le succès de la lente transition technologique qui semble s’annoncer.

Tout comme Apple, il s’agit d’un risque bien calculé permettant une transition tout en douceur tant pour les utilisateurs que les développeurs d’applications qui doivent modifier et recompiler celles-ci pour les rendre natives à la nouvelle architecture.

Quel avenir pour l’architecture x86 ?

Intel avec son architecture x86 n’est pas en reste. Microsoft présentait en avril dernier la Surface Pro 10. Toutefois, celle-ci est pratiquement passée inaperçue, car elle est destinée au marché de l’entreprise.

Équipée du nouveau processeur Intel Core Ultra, comprenant également un NPU dédié à l’I.A., la Surface Pro 10 embarque une nouvelle puce graphique d’Intel nommée Arc venant remplacer la traditionnelle puce Intel Iris.

Toutefois, au sortir de ses lancements, nous pouvons entrevoir ce qui semble se dessiner à l’horizon, soit un changement d’orientation de la part de Microsoft pour le marché grand public.

D’un côté, le marché de l’entreprise qui demeure, pour le moment, sur une architecture x86 pour une raison évidente de rétrocompatibilité aux infrastructures déjà en place. De l’autre côté, le marché grand public qui est orienté vers une nouvelle architecture ARM.

Il est clair que ceci aura un effet certain sur les demandes en processeurs Intel et AMD destinés au grand public.

D’un autre côté, je crois qu’il s’agit d’une réponse d’affaires de la part de Microsoft aux ventes d’ordinateurs qui ont connu une baisse significative au cours des dernières années, sauf pour la période COVID, et une chute drastique en 2023.

Là où Apple produit deux appareils, ordinateur et tablette avec leur système d’exploitation respectif, soit macOS et iPadOS, Microsoft persiste à ne fabriquer qu’un seul appareil avec un seul système d’exploitation tentant, tant bien que mal, de répondre aux deux environnements. Toutefois, nous constatons tous que Windows est plutôt mésadapté à une utilisation en mode tablette. Bref, à tout vouloir faire, on ne réussit pas toujours très bien.

Et nous, les utilisateurs qui avons déjà des ordinateurs ?

D’entrée de jeu, permettez-moi de vous rassurer. Votre ordinateur ne sera pas obsolète demain matin. Il a de nombreuses et brillantes années devant lui. Le marché mondial est vaste, varié et très bien établi.

Par ailleurs, la preuve du pari fait par Microsoft reste à faire. Nous sommes à une période où nos appareils sont surpuissants par rapport à nos besoins. À cela, il faut compter un contexte économique plus difficile où tout est en hausse de coût, les consommateurs sont donc moins enclins à changer d’appareil. De ce fait, les fabricants de logiciels devront continuer à répondre au segment de marché le plus populeux afin d’assurer leur succès de ventes.

Il faut également tenir compte des nombreux fabricants d’ordinateurs, de périphériques, de logiciels. Bref, tout ce beau monde devra amorcer un changement, ce qui n’est pas gagné d’avance. Là où Apple règne en roi et maître dans son univers, ce qui lui facilite les choses, Microsoft doit composer avec de nombreux valets.

D’un autre côté, la puissance des tablettes d’aujourd’hui est plutôt impressionnante. Sachant que ce type d’appareil est moins coûteux qu’un ordinateur et qu’il répond aux principales activités des consommateurs, je crois qu’une partie significative du marché actuel des ordinateurs transitera vers la tablette. D’ailleurs, cette tendance semble déjà amorcée avec la baisse marquée des ventes d’ordinateurs. Au club, 80% des membres sont propriétaires d’une tablette.

C’est en partie le pari que semble faire Microsoft en voulant attirer ce segment du marché vers sa Surface Pro, servant à la fois de tablette et d’ordinateur.

Par ailleurs, un fait intéressant à noter au passage, les tablettes actuellement sur le marché sont toutes sur architecture ARM.

Bon été à tous.

Daniel Vinet